dimanche 9 novembre 2008

Actualités – Liban - « Le centrisme, une valeur modératrice aussi sûre qu’ancienne »

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Voici le commentaire du journaliste Émile Khoury dans le quotidien L’Orient-Le Jour sur la possible émergence d’un groupe centriste à l’Assemblée nationale du pays. « Un officiel de haut rang juge hors de propos la campagne anticipée lancée contre l’émergence, dans la prochaine Assemblée, d’un groupe centriste. Un rassemblement parlementaire faisant écho à un bloc de ministres indépendants, pour s’interposer entre le 14 et le 8 Mars, arrondir les angles. Et pour arbitrer les litiges sur les projets, afin qu’en se neutralisant réciproquement les deux fronts antagonistes ne grippent pas la machine de l’État. Cette personnalité rappelle qu’il y a eu presque toujours, au Parlement, des députés francs-tireurs échappant à la coupe des blocs, sans forcément en former un eux-mêmes. C’était déjà le cas du temps du Destour et du Bloc national. Puis, quand le Helf tripartite et le Nahj chehabiste se combattaient, les présidents Sleimane Frangié, Saëb Salam et Kamel el-Assad ont joint leurs forces dans le cadre d’un cénacle centriste. À l’époque du Front libanais, regroupant les présidents Camille Chamoun et Sleimane Frangié ainsi que Pierre Gemayel, il y avait un bloc de maronites indépendants regroupant Élias Hraoui, Élias el-Khazen, Fouad Naffah, Boutros Harb et Habib Keyrouz. En 1975, quand la guerre a éclaté, une phalange d’indépendants comprenant, entre autres, des figures de proue comme Henri Pharaon, Ghassan Tuéni et Youssef Salamé, est intervenue pour tenter de faire cesser les hostilités. La source citée relève que même dans la législature présente, il existe des personnalités indépendantes, comme le président Hussein Husseini, le Dr Pierre Daccache et le juriste Bahige Tabbarah
Une longue nomenclature qui prouve par elle-même combien il est honteux d’insinuer que les indépendants peuvent être achetés. Alors que, de toute évidence, ce sont surtout les girouettes basculant facilement d’un bloc à un autre que l’on peut soupçonner de vénalité politique, matérielle ou électorale. Notons enfin que, comme pour le président Frangié en 1970, le président Sleiman a pu être élu parce qu’il n’appartient à aucun des deux camps en lice sur la scène locale.
Si le choix du juste milieu a été jugé judicieux au niveau de la première magistrature, quel mal y aurait-il à ce qu’il se trouve prolongé à la Chambre ? L’intérêt national bien compris en serait certainement mieux servi. Car ce bloc serait souvent en mesure de faire pencher la balance lors des votes sur des projets litigieux. De sorte qu’il y aurait décision et non plus blocage. Un ancien responsable souligne à cet égard que s’il y avait eu, dans la Chambre actuelle, un bloc indépendant centriste, il n’y aurait eu ni crise présidentielle ni fermeture du Parlement. Le quorum des deux tiers aurait été assuré. Cela étant, le CPL aurait pu, estime cette personnalité, jouer la troisième force et normaliser la situation. Tant pour la présidentielle que pour le remplacement du cabinet. Mais il a choisi de se ranger aux côtés du 8 Mars. Pour n’avoir pas joué ce rôle, il affronte aujourd’hui, électoralement, un double risque. D’abord que des indépendants se prévalant de soutenir la ligne forte du président Sleiman ne lui arrachent des sièges. Ensuite, de voir certains de ses propres candidats ou alliés, une fois élus, faire défection pour rejoindre le bloc centriste. En tout cas, le CPL avait opté, aux côtés du tandem Amal-Hezbollah, pour ce tiers de blocage applaudi et soutenu par le régime syrien, obsédé par la neutralisation du tribunal international. On se rappelle en effet la déclaration de Bachar el-Assad assurant qu’un gouvernement d’union libanais formé selon les exigences de l’opposition « préviendrait la politisation de cette instance », et on sait ce qu’il signifie par là.