C’est entendu : aux Etats-Unis, comme dans tous les pays démocratiques, une élection se gagne au centre même si les candidats de gauche et de droite ont du se montrer beaucoup plus « extrémistes » lors d’une campagne électorale tout en envoyant des signes de modération aux indécis et aux électeurs des autres camps. De même, on peut caractériser le Parti républicain et le Parti démocrate comme deux partis centristes même si une radicalisation à eu lieu ces deux dernières décennies avec l’émergence d’une aile droite beaucoup plus puissante chez les Républicains depuis la « révolution reaganienne » et la présence d’une aile gauche beaucoup plus présente chez les Démocrates. Et les deux candidats à l’élection du 4 novembre, le Démocrate Barack Obama et le Républicain John McCain sont deux modérés aux idées modérées même si Obama a du faire plaisir aux libéraux du Parti démocrate dans ses discours et si John McCain a fait de même pour les conservateurs et les évangélistes.
Reste que, malgré les effets de manche et les sermons de tribune, John McCain et, surtout, Barack Obama sont deux vrais centristes. Néanmoins, McCain, en choisissant Sarah Palin comme colistière, s’est violemment déporté sur la droite, à la fois pour plaire aux électeurs évangélistes durs qui sont la base de toute victoire républicaine depuis Richard Nixon (le premier républicain à les avoir courtisés) mais aussi parce qu’il n’a pu faire autrement, cédant aux injonctions des durs du parti. Son réel choix était Joe Lieberman, centriste indépendant, ancien du parti démocrate – parti avec lequel il continuait jusqu’à présent de voter au Sénat - et ancien colistier du démocrate d’Al Gore en 2000 lors de cette élection si controversée qui avait vu l’arrivée de George W. Bush au pouvoir. Même si son dernier plan économique est beaucoup plus centriste au grand dam des gardiens de l’orthodoxie reaganienne, son positionnement politique s’est installé à droite.
Barack Obama, au contraire, depuis que les primaires sont terminées au Parti démocrate n’a eu de cesse de recentrer son discours, d’expliciter sa vraie pensée politique. Les écrits et les prises de position de Barack Obama, à défaut d’un réel bilan politique, sont absolument sans équivoques à ce propos. Que Barack Obama ait une fibre sociale plus affirmée que John McCain est chose évidente mais cela ne fait pas de lui un socialiste mais plutôt un homme du centre-gauche et encore.
Barack Obama n’a jamais fait mystère de sa volonté d’être « bipartisan », c’est-à-dire de réunir des majorités très larges pour gouverner incluant Démocrates et Républicains modérés. Et s’il a tant rechigné (avant de s’y résoudre notamment lors de la Convention démocrate de Denver) à prendre des accents populistes à l’instar de sa rivale - et néanmoins centriste elle aussi – Hillary Clinton, c’est parce qu’il ne désirait pas travestir ses opinions et ses choix politiques. Globalement, il est pour une économie libérale que le marché régule avec un Etat superviseur en souhaitant que la classe moyenne soit le moteur du pays et que ceux qui n’ont pu encore s’élever à elle, le puissent avec des mesures d’accompagnements sociaux et grâce à la méritocratie dont le système éducatif est la pièce centrale. De même, il est pour la création d’un système de soins gérés par une assurance santé au niveau national.
Au niveau économique, Barack Obama fait partie des démocrates qui veulent réconcilier l’efficacité d’une économie de marché avec un réel ascenseur social. Pour ce faire, il veut « moraliser » le capitalisme en évitant que celui-ci ne devienne une fusée qui enverrait dans les étoiles les plus riches qui s’enrichiraient sans fin et laisseraient tous les autres sur Terre, notamment la classe moyenne qui a perdu du pouvoir d’achat lors des deux présidences de George W. Bush, et qui s’enfoncent inexorablement dans les sables mouvants de la perte de pouvoir d’achat depuis huit ans. De même, il estime que seule l’innovation permettra de créer les emplois nécessaires à l’économie américaine. Il fustige le refus de toute évolution où les anciens métiers sont remplacés par les nouveaux avec une période délicate de basculement. C’est ainsi qu’il faut apprécier son plan pour les énergies renouvelables tout autant que la philosophie environnementale qui l’accompagne avec, à la clé, selon lui, la création de millions d’emplois nouveaux.
Au niveau sociétal, à côté de ses prises de positions « à gauche » pro-avortement et pro-mariage homosexuel ainsi que pour un service public de l’éducation rénové et ouvert à tous, il y a ses prises de position « à droite » sur la possession d’armes à feu, la peine de mort et la responsabilisation des parents dans l’éducation de leurs enfants. De même, au niveau international, il n’est pas anti-guerre mais contre les mauvaises guerres, étant dans ce domaine un démocrate de la tradition de John Kennedy et non de celle de Jimmy Carter. De ce point de vue, et malgré les attentes des nations étrangères, notamment celles d’Europe, il ne changera pas fondamentalement la politique étrangère des Etats-Unis car il n’est pas isolationniste mais estime que le pays a un devoir d’émancipation des peuples vers la liberté et que cela implique une Amérique responsable et présente dans le monde pour assurer son leadership et non repliée sur elle-même.
On le constate, en France, Barack Obama n’aurait ni sa carte au Parti socialiste (dont les responsables se méfient de lui comme ils se méfient traditionnellement de tous les candidats démocrates ou de ceux du Parti travailliste britannique pas assez à gauche selon eux, exception sans doute de George McGovern en 1972, balayé par Richard Nixon), ni à l’UMP (dont les responsables, à part quelques uns, ont la fâcheuse tendance de supporter les Démocrates plutôt que les Républicains pourtant nettement plus proches de leurs idées politiques…). Non, il serait du Centre, de celui qui tente d’instaurer un juste équilibre par un gouvernement volontaire mais modéré.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC