Je voudrais vous dire ma joie, mon bonheur à l’issue de ce moment si singulier, si singulièrement important.
C’était un pari un peu fou de faire venir loin de la capitale autant de militants et de nous retrouver plus de 2000 à Nîmes.
Retournez vous quelques instants - même si ce qui compte est devant nous - pour constater le chemin parcouru. D’un parti constitué sur un coin de table par des parlementaires refusant la dérive de l’UDF, dont la fonction est de devenir le premier parti d’opposition pour servir un destin personnel. D’une formation constituée dans l’urgence, nous avons, contre tous les pronostics, réussi à créer un parti de plus de 7000 militants avec un mouvement de jeunes centristes de près de 1000 militants et des jeunes qui ont une bonne tête plein d’enthousiasme, de volonté – et permettez moi de faire cette incise – je trouve que les jeunes ont un Président formidable, courageux, intelligent, plein d’inventivité et vous voulez que je vous fasse une confidence, je trouve que c’est une formidable marque, un formidable signe – comment dire – de générosité, de tolérance, d’ouverture d’esprit que d’avoir un Président qui a surmonté son handicap – je sais que cela ne se dit pas, mais je voulais le dire aux jeunes, car l’image d’un parti se voulant solidaire, ouvert, généreux, trouve là la plus belle de ses expressions.
Voilà c’est dit !
Nous avons donc aujourd’hui un parti, un siège, rue de Grenelle, un groupe parlementaire, des sénateurs, 2000 élus locaux, des Présidents de Départements ; et nous avons réussi un formidable congrès.
Ce congrès de la refondation et de la renaissance montre que nous avons réussi notre premier défi ; ancrer la renaissance d’un parti du centre et de centre droit indépendant et nous y sommes parvenus à une vitesse éclair : 8 mois, pas même le temps d’une grossesse !
Mais je voudrais revenir sur les raisons plus profondes de notre engagement.
Le monde change et il change vite, très vite. La liberté a gagné et envahi la planète avec ses qualités mais aussi avec ses dérives, on appelle cela la mondialisation.
Le monde change et le pouvoir est en train de changer de rives. Il passe de la rive atlantique à la rive pacifique et à celle de l’océan indien. La domination du monde atlantique s’achève inexorablement ; nous rentrons au moins en concurrence ou sinon assistons à un transfert des équilibres entre les puissances.
Le monde change et pourtant l’organisation du monde ne change pas : l’ONU perd une partie de sa légitimité, faute de se renouveler et de laisser une place aux nouvelles puissances au sein du conseil de sécurité. Les Etats demeurent régis par le principe de la concurrence et de la rivalité alors que la raréfaction des matières premières, la crise alimentaire, l’épuisement de la ressource en eau, la menace liée au réchauffement et au dérèglement climatique, devraient nous amener à repenser l’organisation du monde vers un système coopératif et solidaire.
Le monde change et notre pays demeure rétif à ce bouleversement même si au fond de lui même, de son inconscient, de ses tripes, il sait qu’il faut bouger sinon le déclin inexorable le guette.
Nous sentons bien la société française à fleur de peau. La marche du monde ne l’enthousiasme pas, elle l’angoisse. Oui, je le sais, elle angoisse littéralement une partie de nos compatriotes !
Que nous dit la petite lucarne par où surgit chaque jour l’actualité ?
Mettons-nous à la place de nos compatriotes et regardons.
Elle nous dit ceci : le monde occidental est en perte de vitesse, même les Etats-Unis, notre grand frère, sont à la peine. L’Amérique est surendettée, l’Etat comme sa population, du jamais vu ! Ici en Europe, nous vieillissons, comme jamais et, pour la première fois le christianisme n’est plus, en nombre, la première religion de l’humanité. Le capitalisme triomphe mais en devenant asiatique. La croissance économique a-t-elle disparu ? Non, répondent les spécialistes, elle s’est déplacée, vers la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie et toutes les puissances que l’on dit « émergentes » comme pour mieux nous expliquer que ces pays n’ont pas fini de nous mener la vie dure. Au moins, sommes-nous en paix penserez-vous. Voyez ces images de terroristes, voyez ces scènes d’attentats. Et la guerre, a-t-elle été évoquée aussi spectaculairement depuis un quart de siècle ? Voyez l’Iran promettre de raser Israël, voyez Beyrouth aujourd’hui ! Voyez le Pakistan et l’Afghanistan.
Ce n’est pas seulement le spectacle du monde nouveau qui préoccupe nos compatriotes, mais bien l’expérience qu’ils en font. Car le tourbillon de l’histoire provoque des remous qui nous atteignent chaque jour. Prenons le cas de la ruée vers les matières premières. C’est le phénomène le plus impressionnant si nous ne devions en retenir qu’un seul.
Quand le prix du litre d’essence dépasse 1,40€ et cela implique pour le plus grand nombre une sérieuse révision du mode de vie : aller au travail, amener ses enfants à l’école, rendre visite à sa famille, prendre des vacances. C’est tout cela qui devient chaque jour plus coûteux. Que penser ? Faut-il renoncer à circuler ? Mais quand le pain, le lait ou le beurre deviennent plus chers, faut-il renoncer à se nourrir ? Et quand l’accès à la propriété devient plus difficile, parce que le prix du m2 est aberrant ou parce que les taux d’intérêt sont dissuasifs, faut-il renoncer à devenir propriétaire ? Faut-il renoncer à fonder une famille ?
Voilà non seulement ce que voient mais plus encore ce que vivent nos compatriotes aujourd’hui. Dans ce contexte, quel mot les Français peuvent-ils aimer entendre pour être rassurés ? Quelle idée peut les aider à comprendre ce que devient leur monde, à comprendre ce qui leur arrive, pour entrevoir l’espoir de lendemains meilleurs ? Quelques démagogues promettront le retour à l’Etat omniscient et omnipotent. D’autres, souvent les mêmes, à droite comme à gauche, promettront une nation barricadée, fermée au monde, d’autres encore ne voudront pas mentir mais choisiront de se taire. Alors, qui dira la vérité ? Voilà donc notre ligne d’horizon : dire la vérité, soutenir une politique de la vérité.
La vérité c’est de dire que la France décline tranquillement mais sûrement depuis 25 ans ; la vérité c’est rappeler que nous avons un taux de croissance inférieur à la moyenne des pays européens depuis 25 ans ; la vérité c’est de dire que nos régimes de retraites ne sont pas financés sur le long terme ; la vérité c’est de dire que notre système universitaire et de recherche innove moins, crée moins de brevets ; la vérité c’est de dire que le moteur de l’égalité des chances n’est pas reparti comme il aurait du repartir après la crise des banlieues ; la vérité c’est que notre économie souffre d’un déficit de compétitivité ; la vérité c’est que chaque année 150.000 jeunes sortent du système éducatif en situation d’échec scolaire ; la vérité c’est que notre taux d’emploi des gens de plus de 50 ans est parmi les plus faibles d’Europe et je pourrais continuer comme cela longtemps, trop longtemps.
Mais la vérité c’est que nous avons aussi tout pour réussir ; une main d’œuvre productive et des cadres ingénieux ; un environnement et une situation géographique exceptionnelle, des infrastructures remarquables, des paysages, une histoire, des secteurs économiques où nous sommes parmi les meilleurs sinon les meilleurs.
Mes chers amis, je ne me résigne pas, je ne me résignerai jamais à considérer que notre pays qui a été capable de créer après la seconde guerre mondiale, le TGV, Airbus, les secteurs industriels majeurs où nous sommes parmi les premiers : l’industrie automobile, le nucléaire, le luxe, l’environnement, la sidérurgie, la pharmacie, l’industrie d’armement et bien d’autres secteurs encore. Il n’y a aucune raison qu’un pays qui a su se hisser aussi haut dans la compétition mondiale, avec autant de réussite, ne soit pas capable de relever le gant de la concurrence et de la compétition mondiale. La France serait-elle définitivement en cale sèche ?
Telle est la crise actuelle. Dans un moment historique d’une importance peut-être sans précédent, les Français doutent de leur destin et nous, leurs gouvernants, nous n’avons rien d’autre à leur proposer que des réformes qu’ils jugeront le plus souvent amères. La ligne est ingrate mais il faut la tenir. Et d’ailleurs dire qu’il faut s’adapter, changer, se réformer en l’annonçant et en le disant haut et fort, est de notre responsabilité.
Soyons le parti de la responsabilité, soyons le parti de la modernité !
Au moment où les conservatismes et les corporatismes montent de toute part, soyons le parti du changement, le parti de ceux qui veulent la réforme, la réforme audacieuse mais aussi de la réforme juste.
Le parti de la modernité, du changement mais du changement juste.
Voilà ce que nous devons être aux yeux des Français.
Voilà ce que je vous propose.
Ce n’est pas facile de soutenir l’obligation de changement, à laquelle notre pays est confronté.
Je voudrais vous faire cette observation : « Obligation de changement » : pour être vraie, et employée jusqu’à saturation, la formule n’en est pas moins problématique. Ici, l’idée qui condense le problème est celle d’« obligation » et non celle de « réforme ». Lorsque nous parlons de la réforme, nous ne la présentons pas comme une option, mais comme un mouvement nécessaire. Or, qu’est-ce que la nécessité sinon le contraire de la liberté ? Beaucoup de nos problèmes actuels résident dans la perception de cette obligation. Ce qui est nécessaire ne peut faire l’objet d’un choix. Si la réforme est nécessaire, alors l’idée de « réforme » est opposée à celle de liberté ! Voilà un curieux trajet politique accompli ! Tel est, selon moi, le fond de la difficulté aujourd’hui douloureusement ressentie par nos compatriotes. Ils éprouvent cette absence de choix et ils l’éprouvent comme la perte de leur liberté. Pour bien d’entre eux, la « réforme » est devenue l’autre mot pour dire « régression ». Dîtes « réforme » et nombre de Français traduiront déclin de la solidarité nationale, menace sur les services publics, remise en cause de la sécurité sociale, déremboursement, recul de l’âge de la retraite, etc. Dîtes « réforme » et on pensera « globalisation », c’est-à-dire dérégulation, ouverture à la concurrence, compétition planétaire, délocalisation, hausse des prix, baisse du pouvoir d’achat.
Les temps sont durs pour notre vocabulaire politique. Bien des notions, bien des mots d’hier, porteurs d’un espoir formidable, si clairs, si mobilisateurs, parfois même glorieux, aujourd’hui, semblent devenus menaçants, obscurs, ambigus ou redoutables, pour une majorité de nos compatriotes. Le mot « réforme » n’est pas le seul exemple. Regardez ce qu’est devenu le beau mot d’« individualisme » - c’est-à-dire le droit inaliénable d’être maître et possesseur de sa propre personne. N’est-il pas synonyme d’égoïsme ? Regardez ce qu’est devenue la belle idée « libérale ». N’y voit-on pas cette jungle initiale où l’homme n’est qu’un loup pour l’homme ?
La perversion des mots, le retournement de leur sens est le signe d’une crise de notre conscience politique. C’est le drame de notre époque. Dans notre combat, j’y vois l’un de nos problèmes majeurs. Nous qui voulons assurer la renaissance du centrisme, nous ne devons pas compter sur nos vieilles habitudes conceptuelles.
C’est pourquoi, un parti centriste ne suffit pas : nous voulons un grand parti centriste ! Nîmes 2008 porte cet enjeu. Il faudra forcer un peu notre nature, car, vous le savez, par culture, nous repoussons le dogmatisme dont l’engagement partisan est parfois l’une des expressions. Cela ne nous convient pas. Ce n’est pas nous. Nous, nous sommes pluralistes. Nous, nous sommes ouverts au dialogue, à l’accord. Chez nous, nul ne pense, ni, qu’il est possible, ni, qu’il est désirable de bâtir une société sans compromis. Longtemps nous avons répugné au pur rapport de forces. Nous lui préférions l’équilibre. Mais la politique est un combat.
En 50 ans, sous la Ve république, les centristes ne sont parvenus qu’une seule fois à populariser leurs conceptions. Nous le devons à Valéry Giscard d’Estaing. Permettez-moi aujourd’hui, devant vous, avec vous, de lui rendre hommage, de saluer sa vision et son action. Il a su faire triompher un centrisme de gouvernement, à distance d’une affirmation protestataire. Or, que nous a montré le giscardisme ? Que le centrisme devait être une force politique et pas seulement un mouvement d’idées, une sensibilité. C’est une double leçon. Il n’y a de centrisme qu’indépendant et il n’y a de centrisme qu’organisé. Le parti est la force sans laquelle nos idées ne pèseront jamais. Il faut un grand parti centriste, présent dans tous les combats politiques et notamment électoraux. Ensemble, nous sommes en train de le bâtir ! Le voici, regardez-le : c’est vous !
Que voulons-nous faire, mes chers amis, avec ce parti ? Nous voulons une société libérale ! Ce parti, notre parti, le Nouveau Centre, a vocation à prendre une part croissante au débat public. Sachons dire ce que nous voulons, pourquoi nous nous engageons. Et commençons par l’essentiel : nous voulons une société libérale !
Vous avez remarqué ? Plus personne ne semble oser revendiquer la liberté, de crainte d’être aussitôt qualifié d’ultra-libéral. « Ultra-libéral » ! C’est une sorte d’équivalent du cynisme absolu quand cela ne vaut pas pour fascisme. Voici venu le temps où les mots ne veulent plus rien dire. Prenons-garde à cela, gardons en mémoire les leçons de George Orwell dans 1984. Cette allergie hexagonale aux idées libérales est choquante si l’on considère la grandeur de l’idée de liberté. Elle est préoccupante si l’on considère l’identité politique de notre nation, car elle confine à une forme d’amnésie. Cette allergie hexagonale aux idées libérales n’est pas moins préoccupante si l’on considère la marche du monde, en ce début de XXIe siècle.
Nous militons pour une société libre et juste. N’opposons pas la liberté à la justice. Ne laissons pas cette opposition s’installer dans le débat public. Notre vocation est là : aider la France à s’inscrire dans ce temps présent, à retrouver le rythme de l’histoire, à renouer avec la jeunesse du monde. La France ne saurait rester à l’écart. Notre passion pour la liberté a donné les moments qui comptent parmi les plus glorieux de notre histoire et les pages les plus brillantes de notre tradition philosophique. La liberté semble nous inquiéter alors que nous la revendiquons toujours comme notre identité profonde. Ecoutez : « Liberté, égalité, fraternité », mais « liberté » d’abord vous l’entendez ? Regardez aussi, car nous l’écrivons partout. Alors pourquoi semblons nous tentés de l’abandonner, la liberté, quand notre pays, inquiet, paraît vouloir troquer des sécurités contre des libertés ? Encore des sécurités ! Attention aux précautions extrêmes ! Attention au repli sécuritaire !
Ne cherchez pas ! Elle est là notre utilité. Elle est là notre vocation, à nous centristes : dire que la plus haute de toutes les valeurs est celle qui fait l’homme, celle par laquelle il accomplit son humanité. Dire qu’il n’y pas d’autre voie aujourd’hui dans le monde que les chemins de la liberté. Ne vous laissez pas impressionner par ce climat singulier. Il nous appelle. Car c’est à nous de promouvoir la liberté, la liberté économique, la liberté d’entreprendre, les libertés individuelles. Si nous ne le faisons pas, où sont nos convictions ? Si nous ne le faisons pas, qui le fera ?
Nous, nous revendiquons une liberté multidimensionnelle, car la liberté ne se découpe pas.
A distance de la seule dimension mercantile, nous revendiquons une liberté multidimensionnelle : politique, économique et culturelle, collective et individuelle, morale et spirituelle. Aucune de ces libertés n’est assurée de survivre sans une presse libre et responsable. Cet enracinement libéral commande nos options sur les grands sujets politiques.
Notre libéralisme se fonde sur la suprématie du droit. C’est d’abord le droit et non l’Etat qui doit réguler la société. C’est cela le sens de l’expression « Etat de droit ». C’est la passion de la liberté qui commande de soumettre l’Etat au droit. On est d’ailleurs dans un pays fantastique où l’Etat soumet l’ensemble de la collectivité à des règles, des injonctions toujours plus contraignantes et qui ne se les applique pas à lui-même.
De là découle notre conception libérale des institutions politiques. Elle repose sur la recherche d’un équilibre des forces et des pouvoirs. L’équilibre des forces doit être assuré par un multipartisme bipolarisé. Nous rejetons le bipartisme qui contrevient à l’éclosion de pratiques politiques véritablement démocratiques. L’équilibre des pouvoirs ne peut être garanti que par un renforcement sincère du Parlement, permettant d’assurer, au nom des citoyens et des contribuables, un contrôle efficace et redouté de l’exécutif.
L’acceptation d’une évolution présidentielle du régime ne me gêne pas. Elle me paraît conforme à la logique des institutions et, plus encore, fidèle au souhait de nos compatriotes.
En revanche, la présidentialisation doit s’accompagner d’une révolution parlementaire. C’est pourquoi nous devons revendiquer non seulement un accroissement des pouvoirs du Parlement, je l’ai dit, mais aussi une meilleure représentativité de l’Assemblée nationale par l’introduction d’une dose de proportionnelle. On retrouve ici notre principe de justice, notre attachement au pluralisme, notre refus des hégémonies, notre emprise avec la société civile.
Pour les mêmes raisons, nous nous inscrivons dans la tradition girondine des libertés locales, fidèles à notre inspiration première. La décentralisation fait l’objet de polémiques, souvent injustes, qui cesseront lorsque l’on donnera à chaque échelon des compétences clairement définies et exclusives. Ne laissons pas étouffer le mouvement des libertés locales sous le maquis administratif. Elle est l’une des clés de la réforme de l’Etat. La décentralisation favorise le contrôle des citoyens, accroît la responsabilité des élus, intensifie la démocratie, donne le jour à de véritables espaces publics locaux. Comment ne pas voir dans ce mouvement d’émancipation l’une des réponses aux attentes nouvelles de nos compatriotes, à leurs exigences d’autonomie, de responsabilité, de co-décision ? C’est pourquoi nous défendons la clarification radicale de notre empilement insupportable des collectivités locales qui coûte cher, qui est source de complexité, de lenteur, d’inefficacité de l’action publique.
Nous avons une conception libérale de l’autorité. Pour nous, l’autorité est respectable, et donc efficace, si elle résulte d’une source irréprochable. Nous souhaitons que les règles et les procédures de nomination soient placées sous le contrôle du Parlement. Le pouvoir de nomination aux emplois civils que détient en monopole l’exécutif doit être partagé avec le Parlement. Nous le voulons dans la révision constitutionnelle. D’une manière générale, ce sont les modalités d’organisation des pouvoirs publics qui doivent être révisées afin de garantir effectivement l’impartialité de l’Etat. C’est à cette condition que nous restaurerons la confiance de nos compatriotes dans l’Etat, les instances de régulation et l’ensemble de nos services publics.
Mais comme nous défendons les libertés politiques, nous défendons aussi les libertés économiques et elles passent par un système où nous prélevons moins et pour cela nous devons combattre le poids écrasant de la dette, deuxième budget de l’Etat après l’Education. Et pour cela , nous voulions – dans mon discours c’était écrit à l’indicatif – nous voulions que soit inscrite la règle d’or dans la Constitution – l’obligation pour les gouvernements dans un cycle économique de présenter un budget en équilibre et pas seulement le budget de l’Etat, mais aussi celui de la sécurité sociale et celui des collectivités locales. Ne nous trompons pas, c’est une opération de salut public. C’est une victoire extraordinaire que celle qui nous a été annoncée lorsque le Premier ministre nous a appelé hier après midi pour nous indiquer qu’il était favorable à l’adoption de cet amendement lors du débat constitutionnel de la semaine prochaine.
Ne nous y trompons pas c’est une révolution, c’est l’acte le plus important de la constitution. Dans un pays qui depuis 1975 n’a jamais connu un équilibre budgétaire, que désormais pour tous les gouvernements, quelque soient les alternances, nous soyons obligés de présenter un budget en équilibre : c’est une révolution politique, c’est une révolution économique, mais c’est aussi une révolution majeure pour la réforme de l’Etat. Et soyez sûrs que la combat que nous avons mené, à lui seul légitime notre existence, à lui seul légitime le combat que nous menons, parce que cette réforme là est probablement une des réformes les plus importantes depuis le début du quinquennat, et cette réforme là, c’est à nous que nous la devons.
Nous voulons une société solidaire !
Le libéralisme centriste n’est ni une idéologie ni un dogme. Il exprime un humanisme radical, fondé sur une exigence de justice. Par la liberté, nous visons toujours la justice, c’est-à-dire l’accomplissement de l’humanité. C’est pourquoi nous défendons le projet d’une société solidaire, luttant contre les formes montantes d’inégalité. Aujourd’hui, l’inégalité n’est plus seulement sociale. Elle est aussi territoriale, culturelle, technologique ou générationnelle.
Nous voyons trop souvent fonctionner des mécanismes de discrimination dont sont victimes ici les jeunes, en particulier lorsqu’ils sont issus de familles venues de l’immigration, là les personnes âgées, ici les femmes, là les personnes handicapées. Nous pensons que les injustices fragilisent la société en l’opposant à elle-même. Je soutiens qu’il n’y a pas de politique humaniste sans la volonté de promouvoir vigoureusement l’égalité des chances afin d’assurer à chacun la possibilité de maîtriser son destin.
Au nom de l’idéal de justice, le centrisme veut aussi promouvoir une solidarité de proximité en complément de la solidarité administrative.
Il y a une mauvaise pente qui peut conduire à la déresponsabilisation générale. Si nous nous sentions davantage concernés par l’état de notre société, si nous étions davantage sensibles au destin de ceux qui nous entourent, si nous avions la certitude de pouvoir compter davantage sur nos voisins, les fléaux sociaux ne seraient peut-être pas moins nombreux mais ils seraient moins douloureux, moins dramatiques. C’est là le sens des solidarités intermédiaires que j’appelle de mes vœux. Nous voulons donner à des organisations intermédiaires la capacité de bâtir des solidarités mieux adaptées à chaque communauté humaine : mutualisme, coopération, fondations, syndicats, branches professionnelles.
Elles contribueraient de deux manières à la cohésion sociale : une première fois, en soutenant les plus faibles d’entre nous ; une seconde fois, en nous invitant à manifester une préoccupation pour autrui qui grandit celui qui l’éprouve et soulage celui qui en est le destinataire.
Nous voulons construire une société plus solidaire mais plus responsable. Notre conception de la philosophie solidariste commande de mobiliser l’effort collectif pour soutenir les plus faibles et les plus démunis d’entre nous.
Entre le monde et nous, il y a l’Europe. Nous voulons une France libérale et solidaire, humaniste mais aussi une Europe fraternelle, car l’Europe est notre seconde patrie
Le centrisme, c’est l’Europe. Militants de la première heure, nos aînés ont, plus que les autres, porté le projet historique d’une union entre les peuples du Vieux continent. Nul ne peut contester sans mauvaise foi l’éclatant succès de cette immense entreprise : plus de 60 ans de paix, de démocratie et de prospérité, quoi qu’en disent aujourd’hui quelques esprits ingrats, oublieux de l’histoire, aveugles au travail accompli.
Nous reprenons à notre compte ce précieux héritage Nous voulons aller plus loin, œuvrer au succès d’une Europe pacifique mais puissante, démocratique mais efficace, innovante mais responsable, libérale mais protectrice. Nous voulons en particulier une Europe qui protège davantage ses peuples des effets néfastes de la globalisation. L’Europe de la défense doit donner à notre continent les moyens d’assurer sa propre sécurité face aux nouveaux risques, nombreux et divers.
Mais l’Europe de la défense, c’est aussi de la grande politique. Il s’agit de défendre nos valeurs humanistes, de les promouvoir dans le monde, nous voulons qu’elles se répandent toujours au bénéfice du plus grand nombre et en particulier au bénéfice des plus faibles. L’édification d’une Europe protectrice ne doit pas annoncer un repli sur nous-mêmes. La sécurité est la condition d’une Europe conquérante, à nouveau force agissante dans l’histoire.
C’est parce que nous serons forts face aux périls que nous pourrons mieux promouvoir une politique commune exigeante en matière de diplomatie et de défense, en matière de recherche et d’innovation comme en matière technologique et industrielle, ambitieuse en matière d’environnement, de lutte contre la criminalité et de régulation de l’immigration.
Mais il faut aller au-delà des politiques communes. Il faut aider à l’émergence d’une société civile européenne. J’en appelle à l’affirmation d’une conscience européenne, au déploiement d’une citoyenneté européenne. Accomplissons toutes les promesses du traité de Maastricht. La voie de l’Europe dans le monde n’est pas moins celle des peuples que celle des chancelleries. L’Europe démocratique, l’Europe des valeurs, n’est pas plus celle des Etats que celle des femmes et des hommes libres de notre continent.
La globalisation doit être un humanisme Plus l’Europe sera forte, plus elle sera démocratique et plus nous pèserons sur la globalisation. Plus nous pèserons sur la globalisation et plus nous pourrons espérer une globalisation à visage humain. Ainsi, le centrisme est attaché à la liberté de commerce. Mais le commerce ne saurait convenir à notre philosophie s’il n’est pas régulé par une éthique de la liberté. Nous voulons préserver notre emploi et nos entreprises. Le dumping social n’est pas plus acceptable que le dumping fiscal ou le dumping monétaire. Le progrès des échanges internationaux ne vaut que s’il accompagne et favorise le progrès des conditions de vie de l’humanité.
Face aux défis du nouveau siècle, nous en appelons à un dépassement des relations internationales et des anciennes diplomaties. Nous revendiquons l’invention d’une politique planétaire, visant à la régulation collective des grands problèmes de notre temps, dans une finalité libérale, progressiste plaçant l’homme au centre de tout. Nous en appelons notamment au développement d’un véritable service public global de la solidarité, permettant de faire face aux crises structurelles, telles que l’aide à l’accès aux matières premières alimentaires, à l’eau potable, à la prévention sanitaire et aux soins médicaux, à l’éducation mais aussi aux technologies de l’information. Ce service public global de la solidarité devra réorganiser les modalités de l’action que nous devons déployer dans le cas de crises conjoncturelles, pour dépasser l’aide humanitaire, qui atteint aujourd’hui ses limites. Il devra mettre en place une véritable institution transnationale chargée de venir en aide aux populations et aux régions frappées par une crise ou exposés à un risque particulier.
Revendiquer une politique globale ne signifie pas seulement pour nous la promotion d’une politique planétaire. Il s’agit également de concevoir une nouvelle forme d’action publique adaptée aux exigences du XXIe siècle. La globalisation c’est à la fois considérer l’humanité dans son ensemble et les problèmes dans leur généralité, en tant qu’ils affectent le sort de l’humanité. Ainsi, œuvrer à la paix dans le monde demeure à nos yeux indissociable de l’impératif du développement durable. L’humanisme sera un écologisme ou ne sera pas.
Voilà, où nous en sommes aujourd’hui, nous les centristes. Nous sommes forts. Le déclin, peut-être temporaire, du vote d’extrême droite réaffirme notre rôle pivot. Intellectuellement, jamais nos idées n’ont à ce point été en phase avec la marche du monde. C’est à nous qu’il revient de modérer les emportements idéologiques, à droite comme à gauche, d’œuvrer au consensus national sur les questions essentielles, d’assurer la défense et la promotion des valeurs d’humanisme, de liberté, de responsabilité et de solidarité.
Notre avenir sera radieux si nous réapprenons à vouloir. C’est notre énergie, notre volonté qui nous permettront de devenir le pôle centriste dont le pays a besoin. Cela ne dépend que de nous, que de nous-mêmes.
Hervé Morin
Président du Nouveau Centre