Voici une tribune publiée par Hervé Morin, ministre de la Défense et président du Nouveau Centre.
Depuis 2007, le centre est à reconstruire. La principale cause de nos difficultés a été la confusion dans laquelle nous avons été placés, pour des raisons tactiques, au point que nul ne savait plus très bien quelles valeurs nous défendions. Cet excès de tactique nous a conduits à délaisser le fond, à oublier la cohérence de notre tradition intellectuelle et politique. Le centrisme n’est pas un mouvement indéterminé ou neutre que l’on peut mobiliser au service d’une ambition particulière.
Le centrisme est un projet de société. Il prend sa source dans un système de valeurs qui suppose de fermes options sur la manière de conduire les affaires publiques. Depuis les dernières élections nationales, je me suis attelé à une œuvre de reconstruction, initiant aussitôt la création du Nouveau Centre. En dix mois, ce jeune parti a dépassé les 7 000 adhérents. Nos premiers pas sont encourageants si l’on songe aux 22 000 membres que comptait l’UDF avant 2007. Le relèvement du parti centriste peut être désormais acté. Je voudrais ici ouvrir un second chantier, plus fondamental, qui est celui de la reconstruction doctrinale et politique, car si nous devons réaffirmer nos valeurs et poser avec plus de fermeté nos convictions, nous devons aussi expliquer dans quel type d’action publique elles s’incarnent.
La défense et la promotion des libertés forment un tout qui conditionne le projet centriste et en détermine le contenu. Je sais que, par culture, les centristes repoussent toutes les formes de dogmatisme. Ils sont ouverts au dialogue, à l’accord, au compromis. Ils répugnent au pur rapport de forces et lui préfèrent la recherche de l’équilibre. Il est certain que l’on ne saurait bâtir une société juste sans porter une éthique du compromis. Mais ce qui est une force éthique peut aussi parfois constituer une faiblesse politique, car la politique est un combat. En cinquante ans, sous la V e République, les centristes ne sont parvenus qu’une seule fois à populariser leurs conceptions. Nous le devons à Valéry Giscard d’Estaing.
Que veulent les centristes sinon réussir à bâtir une société à la fois libre et juste ? Comment ne serions-nous pas très à l’aise dans ce monde nouveau dont la liberté est le principe, nous dont la philosophie repose sur la défense et la promotion des libertés, individuelles et collectives ? Les centristes veulent aider la France à s’inscrire dans ce temps, à retrouver le rythme de l’histoire, à renouer avec la jeunesse du monde. Oui, étrangement, la France semble à l’écart, alors que notre passion pour la liberté a donné les moments qui comptent parmi les plus glo rieux de notre histoire et les pages les plus brillantes de notre tradition philosophique. La l iberté semble nous inquiéter alors que nous la revendiquons toujours comme notre identité profonde. Plus grave encore, notre pays apparaît de plus en plus comme celui, inquiet, qui troque des sécurités contre des libertés, risques qu’ont si bien décrit Tocqueville et Bertrand de Jouvenel.
C’est pourquoi les centristes doivent avoir le courage de promouvoir franchement la liberté économique et, en particulier, la liberté d’entreprendre, celle qui combine la réussite personnelle avec le progrès matériel de la collectivité dans son ensemble. Il est très préoccupant pour notre pays de constater que plus personne ne semble pouvoir revendiquer cette liberté sans être aussitôt qualifié d’«ultralibéral», formule qui est une sorte d’équivalent du cynisme absolu ! Proclamer son attachement à la liberté économique, c’est bien ; y contribuer, c’est mieux. Cela suppose de soutenir l’esprit d’initiative, d’encourager le risque, c’est-à-dire la création, l’innovation. Sans cela, il n’y aura ni richesses ni redistribution. Soyons concrets : encourager la liberté d’entreprendre, c’est, par exemple, comme nous le faisons aujourd’hui, supprimer l’imposition forfaitaire annuelle (IFA) qui pesait sur les PME.
Notre libéralisme réclame un équilibre entre les libertés économiques et les libertés politiques. Les premières doivent être tempérées par les secondes. Au nom de l’idéal de justice, le centrisme veut aussi promouvoir une solidarité associative en appui et complément de la solidarité administrative. Une société n’est libre et conquérante que si elle est forte ; pour être forte, elle doit être responsable et solidaire.
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