Voici le texte de la journaliste Marie-Laure Cittanova, correspondante du quotidien « Les Echos » à Milan sur la recomposition politique en Italie
« Recomposition politique à grande vitesse en Italie
Un gouvernement à bout de souffle, une rixe au Sénat, une loi électorale inefficace : l'Italie qui est entrée en crise électorale n'a pas bonne mine, surtout si l'on ajoute le désolant tableau offert par une partie de la Campanie, envahie de déchets. Pourtant, en trois semaines, le pays montre d'étonnants signes de rénovation politique. Ce renouvellement s'est manifesté grâce au Parti démocrate, fusion des anciens démocrates-chrétiens de gauche et des ex-communistes. Un parti dont la naissance a été voulue par Romano Prodi et dont les sympathisants s'étaient déplacés en masse voici quelques mois pour désigner le secrétaire général : le jeune Walter Veltroni, dynamique maire de Rome, poste qu'il vient de quitter pour diriger la campagne électorale. La naissance de ce parti et la nomination de son secrétaire général n'ont pas véritablement facilité la survie du gouvernement Prodi, en créant une concurrence interne à la gauche, mais celui-ci, avec sa coalition de 13 partis et sa majorité d'une voix au Sénat, était de toutes les manières voué à s'user rapidement.
La véritable innovation du Parti démocrate a été la décision de Walter Veltroni de « courir seul » pour les élections. Il a ainsi précipité une recomposition d'une rapidité inouïe. A gauche, mais aussi à droite. Car Silvio Berlusconi, prêt à reprendre du service pour la troisième fois, a suivi le mouvement : pour lui aussi, finies les coalitions hétéroclites qui obligent le chef du gouvernement à passer plus de temps à créer un consensus qu'à gouverner : le Peuple de la liberté regroupe ses alliés de l'Alliance nationale et Ligue du Nord. La mosaïque de mini partis dont la loi électorale a facilité la naissance semble en voie de sédimentation. Aujourd'hui, à côté du Parti démocrate subsiste un Parti socialiste, les radicaux, et une « chose rouge », l'Arc en ciel, englobant plusieurs partis dont les Verts.
Du côté du « Cavaliere », la Ligue s'est ralliée au Popolo della Liberta, qui a remplacé la Casa della Liberta. Le centriste Casini (UDC, démocrates-chrétiens de droite), cependant, n'est pas de la partie. Reste au centre une micro-formation, la « chose blanche » qui veut représenter un centre catholique. Casini pourrait s'allier avec cette formation, mais sa défection est un mauvais point pour Berlusconi : le Parti démocrate en a immédiatement profité pour que le PDL soit bien à droite et non au centre-droit.
Autrement dit se détachent aujourd'hui deux grands partis : au centre-gauche le Parti démocrate, au centre droit le PDL. A l'extrême gauche subsiste la « chose rouge » et, entre les deux grands partis, la « chose blanche » et les radicaux. Selon un sondage paru le 13 février, les électeurs donnent une prime au Parti démocrate par rapport à ses composantes. Il recueillerait 33 % des voix, contre 40 % pour le PDL, 12 % des électeurs restant indécis. Comme si plus de 70 % des électeurs étaient prêts à souscrire à l'avis de Silvio Berlusconi, qui leur a enjoints voici quelques jours de voter pour les grands partis, tout autre choix étant « inutile ». Selon le même sondage, restent 8,5 % des voix pour la gauche Arc en ciel, 5 % pour la Ligue du Nord (qui par exception court seule au Nord, sa terre d'origine), 6 % pour l'UDC.
Bien que la loi électorale soit inchangée, les petits partis sont donc aujourd'hui en perdition. Bien sûr, tout cela peut encore évoluer et les dérapages ne sont pas exclus. Ainsi, Silvio Berlusconi a soutenu le point de vue de Giulano Ferrara, qui menace de se présenter pour militer contre la loi autorisant l'avortement. Il a ensuite estimé que les questions de conscience devaient rester en dehors de la campagne électorale.
De son côté, Walter Veltroni a signé une alliance électorale avec l'« Italie des Valeurs », le parti de l'ex-juge de « mani pulite », Antonio di Pietro. Si bien qu'il ne court plus vraiment seul, mais avec une formation qui plaît aux tenants de l'anti-politique.
Pour l'heure, cependant, on assiste à une importante réduction du nombre de partis en course, phénomène qui rapproche brusquement l'Italie du modèle le plus courant en Europe.
Cette nouveauté et la rapidité de la recomposition font dire aux analystes italiens que tout peut arriver. Certes. Les programmes ne sont pas encore présentés. Chaque formation peut déraper à tout moment au cours de la campagne. Aujourd'hui, l'opinion pense que Berlusconi va gagner les élections. Reste à savoir s'il a changé ou s'il veut simplement sa revanche. Quant à Walter Veltroni, qui a emprunté à Barack Obama son slogan « Yes we can », il va tenter de créer la surprise. Il a en tout cas permis à la campagne de démarrer sur un mode assez apaisé. C'est déjà un progrès que le président de la République, Giorgio Napolitano, voudrait bien voir se prolonger. »
© Les Echos 2008
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