Dans une interview au Figaro, François Bayrou critique les recommandations de la commission Balladur sur la réforme des institutions, le traité de Lisbonne sur l’Union européenne et parle de la naissance du Mouvement démocrate
Que pensez-vous du rapport Balladur sur la réforme des institutions ?
J'avais placé beaucoup d'espoir dans ce comité. D'abord, parce que beaucoup de ses membres sont éminemment respectables et compétents. Ensuite, parce que les orientations données lors de l'installation du comité Balladur me paraissaient aller dans le bon sens, celui d'une clarification des rapports président-gouvernement et d'un rééquilibrage entre exécutif et législatif. Le rapport contient des idées positives, touchant notamment aux procédures parlementaires, qui rendent une part d'indépendance au Parlement dans ses délibérations comme dans sa mission de contrôle. Mais en ce qui concerne l'essentiel, le rééquilibrage n'est pas atteint. Au contraire. Les principales orientations du rapport nourrissent la confusion des rôles entre exécutif et législatif.
Qu'est-ce qui vous inquiète particulièrement ?
Le choix de principe qu'il faut faire est de libérer le Parlement de sa dépendance à l'égard de l'exécutif, pour qu'il y ait un véritable équilibre des pouvoirs. Or la proposition de coupler le premier tour des législatives avec le deuxième tour de la présidentielle accentue au contraire cette dépendance. Organiser le premier tour des législatives dans le climat passionnel du deuxième tour de la présidentielle, cela renforcerait évidemment la bipolarisation en effaçant le reste du paysage politique. Et c'est artificiel : imaginons ce qui se serait passé si, en 2002, les législatives avaient eu lieu le jour du deuxième tour Chirac-Le Pen...
L'introduction d'une dose de proportionnelle vous satisfait-elle ?
Limiter la proportionnelle à 20 sièges sur 577, cela n'a pas de sens. C'est même presque insultant. On ne cherche pas à représenter le pluralisme, on fait la charité de quelques sièges à ceux qui ont refusé de se soumettre à la bipolarisation.
Approuverez-vous le traité de Lisbonne ?
On nous avait annoncé un traité simplifié. C'est en fait un traité compliqué, qui a été éclaté en des centaines d'amendements pour que les objections disparaissent. S'agissant de la mécanique institutionnelle qu'il met en place, le traité convient à peu près et c'est la raison pour laquelle je voterai la ratification. Mais pour l'âme, c'est le désert. On a enlevé tout ce qui donnait chair et espoir à l'idéal européen.
Regrettez-vous que le traité de Lisbonne ne soit pas soumis au référendum ?
Pendant ma campagne, j'avais défendu l'idée d'un référendum, en expliquant qu'il ne fallait pas avoir peur du peuple sur le grand sujet européen. Nicolas Sarkozy s'y était opposé clairement et c'est lui qui a été élu. De surcroît, le texte est devenu carrément illisible pour un citoyen normal. Mais ma crainte est que le fossé se creuse un peu plus entre l'Europe et les citoyens.
Comment se présente le double congrès de l'UDF et du MoDem, à la fin du mois ?
Ce sera un moment important. Nous allons faire naître une nouvelle famille politique. Nous allons adopter une charte éthique, une charte des valeurs et des statuts. Et surtout, une ligne politique, un projet de société, celui d'une société de justice croissante face au modèle d'inégalité croissante qui domine aujourd'hui la mondialisation. De si grands changements ne se font pas sans difficultés pour une formation politique qui, dans le passé, s'était installée dans la dépendance à droite. C'est cette dépendance que j'ai voulu rompre.
Pourtant, nombre de militants UDF rechignent à se fondre dans le Mouvement démocrate.
Je suis convaincu que tout organisme vivant, s'il ne se renouvelle pas, s'affaiblit et disparaît. Au contraire, cette transformation préserve et accomplit l'inspiration qui voulait faire naître un grand parti central dans la vie politique française. C'est une nouvelle étape de la vie politique de cette grande famille, celle de l'émancipation.