Au moment où Tony Blair vient de passer le témoin à son
allié et néanmoins grand rival du Parti travailliste, Gordon Brown, on peut
essayer d’appréhender la politique suivie par celui qui est le premier ministre
britannique qui est resté en poste le plus longtemps depuis cent ans. Ce qui
nous intéresse ici est de savoir si cette politique était centriste ou non. En
effet, Tony Blair n’a pas fait mystère dès sa prise de pouvoir qu’il entendait
mener une politique en phase avec le réel tout en n’oubliant pas le social.
Ainsi, ses premières années au 10 Downing street furent consacrées à préparer
son pays à la globalisation et à traiter le problème du chômage. Et les dernières
années de son gouvernement furent, elles, consacrées, à remettre les services
publics en état de marche, notamment l’éducation et la santé, tout en
continuant à ouvrir le pays et à placer les valeurs de respect et de sécurité
au centre de son discours. Il est sans doute trop tôt pour savoir si les succès
obtenus sont conjoncturels ou s’ils vont changer profondément le Royaume Uni et
faire du pays une puissance économique du XXI° siècle. Ainsi, après avoir
sacrifié son agriculture au XIX° siècle pour devenir l’usine du monde, le pays
a sacrifié son industrie pour se tourner résolument vers les services et
devenir le bureau du monde. Un pari qui semble avoir été le bon.
En revanche, pour les analystes qui se penchent déjà sur les
« années Blair », son centrisme ne fait aucun doute. Parti du centre
gauche, certains estiment même que son point d’arrivée est la droite. Ceux-là
font, à notre avis, un peu trop fi de la politique de rénovation des services
publics et de la montée en flèche du nombre des fonctionnaires. Mais il est
vrai que la politique de Tony Blair s’est recentrée de plus en plus au cours
des années. Cela tient autant à la vision politique de l’homme et à sa vision
religieuse - qui est très importante pour lui - qu’à une tactique électorale. En
effet, le système britannique veut que ce sont les circonscriptions dites
« marginales » qui offrent le pouvoir à un parti ou à un autre (les
autres étant fortement ancrées à gauche et à droite). Et une étude menée par
les analystes politiques a montré que celles-ci étaient majoritairement
peuplées par les classes moyennes-supérieures et les classes supérieures.
Dès lors, pour séduire cet électorat, il fallait une
politique d’ouverture sur le monde et une promotion de l’économie de marché.
Une stratégie qui a pleinement réussi et que devrait continuer Gordon Brown
même si certains travaillistes grognent. Mais Tony Blair a aussi réussi à
phagocyter le Parti travailliste puisque la politique du parti est désormais
conçu par les instance de direction et plus particulièrement les proches du
président.
Aujourd’hui, on peut considérer que le « New
Labour », le « nouveau » Parti travailliste, est devenu un parti
de centre-gauche, voire du Centre tout court, et que cette voie devrait être
poursuivie dans les années à venir. Dans le même temps, les libéraux qui sont
devenus les libéraux-démocrates ont entamé un virage à gauche qui font qu’ils
sont souvent plus à gauche que le Parti travailliste…