jeudi 26 avril 2007

Actualités du Centre. Parti démocrate : un pari risqué selon des politologues que ne rejoindra pas André Santini

Avec la création du Parti démocrate, François Bayrou tente un pari risqué dans un système politique qui tend à la bipolarisation, dont le succès pourrait se jouer sur l'avenir du Parti socialiste, estiment des analystes. « Il y a sans doute un espace entre la droite deNicolas Sarkozy, beaucoup plus dure que la droite chiraquienne et qui peut déplaire à des électeurs de droite modérés, et l'interrogation sur l'avenir du Parti socialiste à qui les électeurs du premier tour de la présidentielle ont demandé d'aller au centre », explique Dominique Reynié, politologue et professeur à Sciences Po. « Soit le PS réussit à aller au centre et à être un parti de centre-gauche et alors il n'y a pas de place pour François Bayrou, ou bien ça ne marche pas et François Bayrou a un espace », sans doute en prévision de 2012, ajoute-t-il. Dominique Reynié souligne toutefois, avec d'autres politologues, que le principal obstacle auquel est confronté François Bayrou est le scrutin majoritaire qui prévaut en France pour les élections législatives. Ce système, et les regroupements de forces auquel il oblige, favorise une bipolarisation de la vie politique entre droite et gauche. « Tout le système institutionnel français est un système qui coince les tentatives de centrisme autonome » juge Jean-Luc Parodi, directeur de recherche à Sciences Po. « L'idée de pouvoir créer un parti du centre, fort, sans alliance au départ et qui ne ferait des alliances qu'une fois arrivé au Parlement, tantôt avec la gauche, tantôt avec la droite, est une idée illusoire", estime-t-il. 
« Ça rend les choses très difficiles, confirme Dominique Reynié. Il (François Bayrou) peut avoir un groupuscule comme il a déjà avec l'UDF, mais il ne pèsera sur rien. Dans le système actuel, pour qu'il puisse peser vraiment, il faut que l'un des partis, l'UMP, ou l'autre, le PS, tombe. » De fait, l'aventure au centre tentée par Jean Lecanuet à la fin des années 60 et au début des années 70 n'a pas fonctionné longtemps. Jean Lecanuet a fini par se rallier à la candidature de Valéry Giscard d'Estaing en 1974. Pour Jean-Luc Parodi, seule l'introduction d'une bonne dose de proportionnelle aux législatives changerait la donne et pourrait permettre à un centre d'émerger. Olivier Duhamel, professeur à Sciences Po, relativise la difficulté. Le scrutin majoritaire mène à la bipolarisation, reconnaît-il, mais non au bipartisme à l'américaine et à l'anglaise, du fait de l'existence de deux tours de scrutin, à la différence de ce qui se passe dans ces pays anglo-saxons. En outre, explique-t-il, il existe d'autres scrutins en France, élections municipales, régionales et européennes, qui comprennent un peu de proportionnelle. « Quand vous êtes extrêmement déterminé et que vous créez une force politique que vous voulez faire exister de façon autonome, rien ne vous empêche de profiter des scrutins municipaux, régionaux, européens d'une part et d'exister systématiquement dans les premiers tours d'autre part. C'est ce que va faire Bayrou avec les législatives », dit-il. « Le pari de Bayrou, c'est d'arriver (...) à ce que le président élu n'ait pas la majorité à l'Assemblée et à ce moment-là, il peut devenir indispensable », juge-t-il. 
Parmi les conditions que François Bayrou pourrait poser figure l'introduction d'une part de proportionnelle pour les législatives - son programme prévoyait un système à 50-50 – « condition pour assurer la pérennité d'un centre indépendant », souligne Olivier Duhamel. Sylvie Guillaume, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Bordeaux III, juge le défi « difficile, mais pas impossible » et met en avant les interrogations sur les électeurs bayrouistes. « Toute la question est de savoir s'il existe un électorat véritablement centriste qui est prêt à tenter l'aventure », estime cette spécialiste du centrisme. Ces électeurs, Sylvie Guillaume relève leur caractère très hétérogène, entre sociaux-démocrates et chrétiens progressistes. Elle souligne que l'hétérogénéité de l'électorat centriste fut une des causes de l'échec du Mouvement républicain populaire (MRP) sous la IVe République. « Ça été le grand drame du MRP qui; au fond, est l'ancêtre de Bayrou. Il n'a pas réussi sa percée, entre autres parce qu'il avait un électorat à la fois conservateur et progressiste », rappelle-t-elle. « Il ne faut pas oublier que l'abbé Pierre a démissionné du MRP avec pertes et fracas parce qu'il trouvait que le poids du conservatisme l'emportait sur le poids du progressisme ». Pour elle, le test sera celui de l'élection des députés, de l'attitude de ces derniers et de celle des électeurs. « Tout va dépendre des législatives », affirme-t-elle. « Ou, effectivement, il y a une percée de ce parti centriste, et donc une autonomisation, donc un espace politique, ou les électeurs retombent dans la bipolarisation dans la foulée du parti majoritaire qui sera issu de la présidentielle. »
Un parti que ne rejoindra pas André Santini
André Santini, de son côté a souligné qu'il n'avait « aucune envie » de rejoindre le nouveau Parti démocrate dont la création a été annoncée mercredi par François Bayrou, dénonçant un « parti fourre-tout ». « Le centrisme n'est pas soluble dans le socialisme », a-t-il affirmé. 
Par ailleurs, le député UDF, soutien de Nicolas Sarkozy, a estimé jeudi qu'un éventuel débat entre Ségolène Royal et François Bayrou serait « anticonstitutionnel » et a dénoncé « une imposture ». « C'est anti-démocratique, c'est même anticonstitutionnel », a estimé M. Santini sur Canal+. « C'est une imposture, c'est du théâtre de boulevard ». Selon le député des Hauts-de-Seine, « il y a deux candidats au deuxième tour, point final. Il n'y a pas trois candidats. On vient d'inventer les triangulaires constitutionnelles ».

Actualités du Centre. Etats-Unis- Premier débat entre les prétendants démocrates à l’élection présidentielle

Huit candidats démocrates à l'élection présidentielle américaine de 2008 participent jeudi soir à leur premier débat de la campagne, l'occasion pour chacun de s'illustrer avant les primaires du parti l'an prochain. Avant cette première confrontation télévisée d'une heure et demie, les candidats n'ont pas tari d'éloges sur leurs adversaires tout en minimisant leurs propres atouts, conformément à une tradition politique à Washington, qui vise à rivaliser de modestie au préalable, pour mieux faire ressortir ensuite ses qualités lors du débat. « Je devrai faire attention à ne pas trébucher sur le plateau », a plaisanté le sénateur du Delaware Joe Biden. Il s'est également plaint que les candidats ne puissent faire de déclarations en ouverture et en clôture du débat, organisé à l'université de Caroline du Sud à Orangeburg, et que les réponses soient limitées à 60 secondes. « Il me faut 60 secondes rien que pour m'éclaircir la voix », a renchéri le sénateur noir de l'Illinois Barack Obama, un des favoris de l'investiture démocrate avec Hillary Clinton. Ce genre d'autodérision est courant dans cette stratégie d'avant-débat, tout comme les flatteries anonymes. Un des rivaux de Mme Clinton, voulant manifestement montrer qu'elle est une redoutable oratrice, a exhumé un éditorial de 1990 d'un quotidien de l'Arkansas rapportant qu'elle n'avait fait qu'une bouchée d'un adversaire républicain de son époux lors d'une conférence de presse transformée en débat improvisé. Dans une stratégie similaire, un rival d'Obama a signalé à la presse que le sénateur de l'Illinois avait collaboré à une revue juridique de Harvard et s'était hissé au premier plan grâce à son éloquence. Un adversaire de John Edwards a pour sa part envoyé un courrier électronique à un journaliste pour rappeler combien l'ex-sénateur était un avocat de talent. Louant sa capacité à convaincre les jurys lors de procès, il a fourni des coupures de presse saluant ses prestations lors de précédents débats. De telles amabilités, destinées à faire monter les attentes autour des candidats encensés, cessent généralement dès que les joutes verbales commencent. Du fait de son statut de favorite pour l'investiture, Mme Clinton pourrait bien être une cible privilégiée, tout comme Obama, autre grand favori bien que sénateur depuis à peine trois ans. Jusqu'ici, les prétendants se sont affrontés à fleuret moucheté, se contentant de formuler des critiques indirectes envers leurs adversaires. Comme le sénateur du Connecticut Chris Dodd, qui a lancé mardi: « l'espoir seul ne va pas restaurer le leadership de l'Amérique ». Avant de démentir toute référence à Obama et à son succès de librairie, The Audacity of Hope (L'Audace de l'espoir). Puis de réinsister lourdement sur sa longue expérience -32 années- de parlementaire... Selon son équipe, Mme Clinton, s'est préparée au débat en révisant des notes et en s'entraînant à répondre à des questions. « Elle est prête à expliquer qu'elle a la force et l'expérience pour diriger », a déclaré son porte-parole Howard Wolfson. L'équipe de John Edwards a révélé qu'il était prêt à discuter d'une proposition: appeler le président George W. Bush à congédier son conseiller Karl Rove pour son rôle présumé dans le scandale lié au limogeage de huit procureurs pour raisons politiques.

L'Editorial d'Alexandre Vatimbella. Le respect condition de la liberté, de l’égalité et de la fraternité

Il y a peu, nous parlions ici du couple star des Français, la liberté et l’égalité en expliquant que ces deux valeurs se trouvaient plus ou moins à égalité dans leurs cœurs. Ainsi, 52 % des personnes interrogées par le Cevipof dans son baromètre plaçaient l’égalité avant la liberté et 48 % mettaient cette dernière avant l’égalité. La nouvelle vague du baromètre du Cevipof inverse les résultats puisque les Français placent maintenant la liberté en premier pour 52 % d’entre eux et 47 % choisissent l’égalité (1 % ne se prononçant pas…).

Ces résultats sont complétés par un sondage effectué par la Sofres pour Télérama. Ici, les trois valeurs de la devise de la France sont pris en compte : liberté, égalité, fraternité. Le choix des Français est plus radical encore puisque 52 % des Français estiment que la liberté est la plus importante du trio, 30 % que c’est l’égalité et 16 % la fraternité. Cependant ils pensent qu’aujourd’hui le terme le plus menacé est l’égalité (80 %) devant la fraternité (69 %) et la liberté (59 %). Et c’est pourquoi ils demandent à 55 % qu’une politique plus égalitaire soit mise en place contre seulement 38 % une politique plus axée sur la liberté.

Quand on rentre dans les détails de ce très intéressant sondage, on apprend que s’il fallait rajouter un quatrième terme à la devise nationale, les Français choisiraient majoritairement le respect. En outre, quand on parle de liberté, c’est avant tout la liberté d’expression qui est importante (66 %) devant la liberté d’aller (17 %) et venir puis, loin derrière, la liberté d’entreprise (6 %), la liberté de culte (4 %), la liberté syndicale (3 %) qui ferme la marche en compagnie de … la liberté sexuelle (3 %) ! Sans doute, concernant cette dernière, les Français estiment-ils, d’une part, qu’il s’agit d’une pratique privée et que, donc, cette liberté ils la prennent en dehors de la sphère publique sans oublier une sensibilité accrue ces dernières années aux affaires choquantes de viols et, surtout, de pédophilie associés sans doute à tort à cette liberté.

Pour revenir sur le choix d’une politique égalitaire et sur le fait que selon les Français ce soit l’égalité qui soit la plus menacée dans notre pays, il n’est pas inutile de rappeler que la France est certainement un des pays les plus égalitaires du monde comme l’expliquent la plupart des spécialistes et que les émoluments de certains patrons qui choquent les Français ainsi que les « golden parachutes » qui leur permettent d’être licenciés en empochant des dizaines de millions d’euros voire des centaines sont peu de choses dans l’égalité globale et que ces pratiques sont encore plus développées dans d’autres pays dont, par ailleurs, elles choquent tout autant les populations comme celles des Etats-Unis.

Ce que le sondage ne demande pas, malheureusement, c’est ce qu’est l’égalité pour les Français. Une égalité des chances ou une égalité des conditions, ce n’est évidement pas la même chance. On sait qu’en général c’est plutôt la première qui est citée mais on sait aussi qu’il y a une très forte tendance en France à vouloir niveler les niveaux des revenus et de promouvoir une égalité synonyme d’uniformisation et, in fine, de système liberticide voire totalitaire tant la différence est le fondement de la liberté.

La question qui se dégage de toutes ces données c’est, évidemment, comment concilier une envie de liberté et une demande d’égalité couplée avec celle d’une solidarité. Cette question est centrale dans la réconciliation des Français avec eux-mêmes et la société française. Celle-ci a été au cœur de la campagne présidentielle dont le premier tour vient de s’achever.

La réponse se trouve en grande partie dans le quatrième terme que les Français ajouteraient volontiers à la devise nationale : le respect. Ce dernier concept est fondamental pour créer un lien social fort qui puisse être le terreau de la liberté, de l’égalité et de la fraternité et, surtout, de leur interpénétration. Mais il faut s’entendre sur le respect qui est un terme à la mode et qui, souvent, n’est qu’une simple revendication individualiste et hédoniste. Partout les gens ont le mot respect à la bouche. Demander à ce que l’on soit respecté est légitime. Demander à ce que tous ses désirs le soient, c’est entrer en conflit avec les désirs des autres et, plus grave, avec l’autre tout court. Ce respect là est irrespectueux…

Le vrai respect est celui qui prend en compte la réalité de la vie en société. Nous devons vivre avec les autres, plus, nous en avons besoin. Dans ce cadre, nous devons être capables d’appréhender notre liberté par rapport à l’égalité et à la solidarité. Car le respect de l’autre commence d’abord dans celui de sa liberté et dans la tolérance à ce qu’il est. Un respect bien évidemment symétrique pour qu’il soit accepté et acceptable. Une fois ce respect accordé, celui de l’être dans sa globalité demande qu’on lui accorde l’égalité des chances et qu’une solidarité effective existe dans une société qui ne peut être équilibrée que si elle prend en compte la diversité de ses membres et qu’elle vient en aide à ceux qui en ont besoin à un moment donné de leur existence.

De ce point de vue, le respect n’est pas seulement une revendication égoïste mais bien l’élément central qui permet de rendre effectif la liberté, l’égalité et la fraternité. Respecter ne veut pas dire aimer ni même apprécier l’autre mais seulement le reconnaître dans sa dimension humaine et donc lui accorder ce à quoi l’on estime soi-même être en droit de réclamer à cet autre.

Une France réconciliée, ce sont des Français respectueux les uns des autres, une France où le respect est le fondement du lien social et non une France où la revendication à « ses » droits fait office de citoyenneté.


Alexandre Vatimbella