François Bayrou, porté par des sondages favorables, se montre de plus en plus confiant et fait des appels du pied à la gauche, en esquissant par exemple le "portrait-robot" de son éventuel Premier ministre, pas forcément un centriste. Après avoir oscillé pendant des mois entre 6% et 9%, le candidat UDF à la présidentielle a fait un bond dans les intentions de vote depuis début janvier, se situant désormais à 11-14% - soit plus ou moins le double de son score de 2002 (6,8%) - et devançant presque systématiquement Jean-Marie Le Pen. Il a également été conforté ces derniers jours par une étude BVA où 71% des personnes interrogées se disent favorables à un gouvernement d'union nationale, idée phare de son projet (mais trois points de moins qu’un sondage OpinionWay de début février). Et selon OpinionWay, 74% des Français estiment qu'il a raison de dénoncer la « foire aux promesses » de la campagne électorale.
Jeudi 15 février, sur France 2, M. Bayrou a affiché sa confiance « je crois que je serai élu président de la République », a-t-il affirmé. « Les Français ont besoin de sortir de cette tenaille où on les enferme », de ce « choix établi à l'avance » entre la candidate socialisteSégolène Royal et l'UMP Nicolas Sarkozy.
Esquissant le « portrait-robot » de son Premier ministre, il a convenu, pour la première fois publiquement, que ce ne serait pas forcément un centriste. « Si Jacques Delors était plus jeune, c'est ce type de profil que je choisirais », a-t-il dit à propos de l'ex-président socialiste de la Commission européenne. Un nouvel appel du pied aux électeurs sociaux-démocrates, après l'invitation de Michel Rocard à la dernière université d'été de l'UDF.
Le député des Pyrénées-Atlantiques a, par ailleurs, pris « cinq engagements ». Il se donne trois ans pour supprimer le déficit de fonctionnement de l'Etat. Il mettrait en place un dispositif, dont le coût est évalué à 6 milliards d'euros, permettant à chaque entreprise, quelle que soit sa taille, de créer deux emplois nouveaux sans charges (hormis les 10 % pour les retraites) pour une durée de cinq ans. Il s'engage à ce que, d'ici trois ans, pas un enfant n'entre en sixième sans savoir lire et écrire. Son gouvernement mettrait en oeuvre dès son entrée en fonctions un « plan de lutte contre l'exclusion ». Enfin, il propose de supprimer les cautions pour les locations de logement – « le cauchemar des familles » - en instaurant à la place un système d'assurance mutuelle.
Pour Dominique Reynié, professeur à Sciences Po Paris, François Bayrou vise « l'aile droite du Parti socialiste. Il voit qu'il y a une faille de doctrine et pense probablement que les forces que l'UMP lui a volées en 2002, il peut les reprendre au PS. Il a moins de marge de manoeuvre à l'UMP, dont Nicolas Sarkozy a fait sa machine ». M. Bayrou se dit pourtant convaincu que Nicolas Sarkozy va s'affaiblir dans l'opinion: « c'est comme les falaises sous l'effet des vagues. Pendant longtemps rien ne se passe, et un jour il y a une fissure ».
Longtemps ignoré par ses rivaux, M. Bayrou est à son tour devenu une cible. Après Laurent Fabius, qui a mis en garde l'électorat de gauche contre la tentation d'un vote Bayrou, « aimable imposture », le député Verts Noël Mamère a affirmé que « le centre a toujours choisi la droite » et « le fera encore ». Le Premier secrétaire du PS, François Hollande, a vu en Jean-Marie Le Pen « le seul troisième homme possible ». Et le directeur de campagne de M. Sarkozy, Xavier Bertrand, a affirmé que « le Front National n'est pas aussi bas que le disent les intentions de vote ». Ce qui a fait dire à M. Bayrou que « le PS et l'UMP appellent Le Pen désespérément au secours » en invoquant le spectre du 21 avril 2002, lorsque le président du FN avait accédé au second tour.
Outre la tentation du « vote utile », sa situation pourrait se trouver « compliquée » par plusieurs facteurs, signale François Miquet-Marty (LH2). Sa critique des « puissances médiatiques » risque de « faire moins mouche car il est de plus en plus médiatisé lui-même », et l'exposé de son programme économique et social peut « cliver ses soutiens », souligne-t-il.