samedi 13 janvier 2007

Une Semaine en Centrisme. 2007, l’année du centrisme américain ?

Les élections de mi-mandat aux Etats-Unis ont apporté une majorité démocrate à la Chambre des Représentants et au Sénat. Cette nouvelle donne au Congrès américain représente une inflexion politique, celle-ci se manifestant par un balancier qui se déplace plus vers le centre que vers la gauche. En effet, la grande majorité des nouveaux élus démocrates – mais aussi républicains - sont, pour une grande majorité, des partisans d’une voie modérée ou de ce que l’on appelle aux Etats-Unis la « Third Way », c’est-à-dire la Troisième voie chère à l’ancien président Bill Clinton qui inspira le New Labour de Tony Blair en Grande-Bretagne.
Les éditorialistes américains, à l’image de Joe Klein dans Time Magazine dont le titre de son éditorial était « Why the center is the new place to be » (Pourquoi le centre est le nouvel endroit où il faut être), ne s’y sont pas trompés en écrivant que le centre avait gagné ces élections. Cette victoire est intéressante en ce qu’elle montre que les discours idéologiques remis au goût du jour par les « néoconservateurs » et les anathèmes sur les « mous » démocrates mis en musique par le conseiller politique et âme damnée de George W. Bush, le talentueux Karl Rove, sont passés de mode aux yeux des électeurs. Certains diront qu’il a fallu le temps pour qu’ils s’aperçoivent de la manipulation mais, enfin, le rebasculement vers un discours plus pragmatique, plus ouvert et plus social est de mise, même chez les Républicains, d’autant que ceux-ci voient l’échéance présidentielle de 2008 avec une certaine appréhension….
Le retour du centre dans le jeu politique américain est une bonne nouvelle pour ceux qui pensent que la recherche d’un équilibre harmonieux dans la société doit primer sur la vision d’une lutte à mort entre une droite et une gauche doctrinaires. L’évolution de la droite vers le centre, et sa nouvelle popularité, d’Arnold Schwarzenegger, réélu gouverneur de Californie en est une autre preuve. Une bonne nouvelle pour les Etats-Unis, bien sûr, mais aussi pour le monde occidental puisque les évolutions politiques américaines ont souvent une influence dans les autres démocraties.
De leur côté, les Américains peuvent s’attendre à quelques avancées sociales (déjà le salaire minimum fédéral a été revalorisé après plusieurs années d’immobilisme). De même, les problèmes seront traités au niveau du Congrès (mais aussi au niveau de la présidence qui ne peut ignorer, quoi qu’elle montre actuellement, la nouvelle donne) avec un pragmatisme et un sens de l’équilibre retrouvé. Bien sûr, tout cela devrait se radicaliser à nouveau dans les derniers mois de 2008 lorsqu’il s’agira d’élire un successeur  George W. Bush. Goûtons donc en attendant cette plage politique qui devrait être plus consensuelle.

L'Editorial d'Alexandre Vatimbella. Le vrai et beau récit du Centre

Tous les courants politiques possèdent un récit structurant principal (et d’autres de moindre importance). Ce récit est ce que cette pensée raconte aux citoyens, l’histoire et l’aventure qu’elle leur propose de vivre s’ils lui font confiance. Au moment où des présidentielles se profilent et où le Centre semble avoir une chance de se raconter mais où certaines postures et certaines déclarations peuvent ressembler à de simples postures électorales, essayons de dégager ce récit.

Tout d’abord, le récit du Centre part d’une vision humaniste pragmatique et « modérée » (au sens de modérateur) de la société qui refuse la démagogie et le populisme des extrêmes. Cette vision n’est pas sans difficultés puisqu’elle privilégie une société du possible contre une société de l’utopie défendue par la droite et la gauche. Car, même si cette approche est appréciée par l’opinion publique, cette dernière est toujours tentée de rejoindre les vendeurs de chimères et de rêves inaccessibles mais si féeriques... Mais c’est aussi ce qui fait son honneur et sa respectabilité.

Qu’est-ce que propose le Centre ? Il se propose de construire une société équilibrée c’est-à-dire une société où chacun, quel qu’il soit, pourra trouver sa place et jouir de manière effective de ses droits s’il respecte ses devoirs. Ni partisan échevelé de l’individu-roi mais pas plus défenseur rigide d’une communauté-reine, le Centre veut mettre l’individu au centre de la société, c’est-à-dire en lui conférant le rôle principal. Mais ce rôle s’accompagne de la nécessaire et incontournable responsabilité. Et cette responsabilité, envers lui-même d’abord, envers les autres ensuite, c’est-à-dire envers chacun des autres mais aussi la communauté dans son ensemble est essentielle pour que la société soit équilibrée.

La responsabilité de l’individu qui est considéré comme une personne, c’est-à-dire comme quelqu’un qui possède une autonomie irréductible et un lien indéfectible avec la société, doit lui permettre de se prendre en charge. Mais, à l’inverse d’un libéralisme pur et dur, le Centre ne pense qu’un « laisser-faire » où une fameuse mais fumeuse « main invisible » rééquilibre sans cesse les distorsions d’une liberté échevelée puisse répondre à tous les cas de figure et organise dans cette optique une solidarité pour aider ceux qui en ont besoin à s’assumer et à se responsabiliser. C’est ainsi, qu’à l’inverse d’un collectivisme utopique et liberticide, elle ne pense pas que l’Etat doit être l’organisateur en chef ad vitam æternam, le Léviathan, mais bien un outil dont la finalité est, en dehors de la cohésion et de la sécurité de la communauté, d’émanciper l’individu pour en faire une personne libre et responsable.

Dès lors, le récit du Centre est d’amener chacun à devenir une personne épanouie dont l’individualité se mêle harmonieusement à celles des autres personnes dans une communauté consensuelle où le lien social s’exprime par le respect et la solidarité. Pas de révolutions violentes, pas de grands soirs, pas de sociétés utopiques, juste une recherche du meilleur équilibre possible afin de fonder la meilleure société possible où l’on pratique le bien vivre ensemble.

Si cette vision est souvent plus difficile à faire passer médiatiquement parce qu’elle ne raconte pas de contes de fées, parce qu’elle n’est pas démagogique, elle est, en revanche, une vision réaliste, donc possible à réaliser.

Mais elle raconte aussi une belle histoire, celle d’un individu libre et sachant où il a envie d’aller, respecter par les autres pour ce qu’il est, se sentant responsable de sa vie mais aussi de ce qui se passe autour de lui, voulant construire en harmonie avec les autres une société où l’on se rappelle que les êtres humains sont, comme le disait Aristote, des « animaux sociaux » dans le sens qu’ils se réalisent totalement dans le cadre de la communauté humaine.

C’est ce récit que devrait nous raconter tout homme ou toute femme politique qui se réclame du Centre et qui cherche à se faire élire dans une élection locale ou nationale. Cela éviterait de faire passer le Centre pour un lieu où se retrouvent des gens qui ne savent pas choisir entre un côté ou l’autre, pire, qui n’ont que peu d’idées et qui les piquent alternativement à gauche ou à droite, des politiques plus préoccupés par se faire élire que par agir.

Le Centre a un vrai et beau récit à raconter. Il serait bête de s’en priver.


Alexandre Vatimbella