Interrogé par Nicole Gauthier dans Libération, l’historien de la Droite, Jean-François Sirinelli donne son sentiment sur le Centre.
- La défaite du centriste Jean Lecanuet en 1965 a marqué, selon vous, la fin du centrisme dans l'histoire de la Ve République. Que peut-il advenir des 18 % des suffrages réunis le 22 avril par François Bayrou, qui fut un disciple de Lecanuet et qui prétend incarner la relève de ce courant ?
« Effectivement, le bon score - 15,6 % - de Jean Lecanuet en 1965 avait été en même temps un chant du cygne. Le centrisme va se trouver concassé, puis disloqué par le jeu des institutions, notamment dans ses aspects électoraux. Cela se fait par étapes. En 1969, le candidat du centre d'opposition, Alain Poher, est présent au second tour, avec 23,3 % après avoir devancé le communiste Jacques Duclos (21,3 %). Mais la performance de Poher ne relance pas le centre et le processus de bipolarisation continue : en 1972, le PS et le PCF, rejoints ensuite par les radicaux de gauche, signent le programme commun de gouvernement, et en 1974, ce qui reste de centre droit, avec Joseph Fontanet et Jean Lecanuet, rejoint Valéry Giscard d'Estaing et intègre le «quadrille bipolaire».
Au regard de l'histoire, il faut donc être prudent pour interpréter les suffrages réunis par François Bayrou au premier tour. Pour l'historien que je suis, en effet, la création de l'UMP est à prendre très au sérieux : elle signifie, pour la première fois, la volonté de poser les bases d'un grand parti conservateur. Chaque fois que la droite française, au XXe siècle, perd, c'est notamment à cause de son manque d'unité. L'UMP, à cet égard, est aujourd'hui à son moment de vérité : la victoire la légitimera en prouvant son existence et son efficience, la défaite lui fera perdre son ciment. Par ailleurs, l'UDF se retrouve dans ce qui est le problème classique du centre, dont l'électorat est sociologiquement, spirituellement et idéologiquement plutôt de centre droit : celui-ci, parfois, se proclame de centre gauche, mais il est vite rattrapé par son ombre électorale. »
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