Par Jean Michel Cadiot de l’AFP
Le « centre », ou une « troisième voie » cassant le clivage gauche-droite, que défend le candidat UDF à la présidentielle François Bayrou, ne se sont pratiquement jamais imposés dans la vie politique française contemporaine. Une unité nationale, issue de la Résistance, avait néanmoins émergé à la Libération, sous la direction du président du gouvernement provisoire Charles de Gaulle, et survécut 16 mois après son départ, le 20 janvier 1946. De septembre 1944 à mai 1947, les trois grands partis étaient unis au gouvernement, tout en polémiquant âprement. Les élections à la proportionnelle plaçaient très largement en tête les communistes et le MRP (Mouvement républicain populaire), parti dont le président d'honneur était Marc Sangnier, figure historique de la gauche chrétienne, et le président le futur dirigeant gaulliste Maurice Schumann. Le MRP, souvent qualifié de « centriste », ou de « démocrate-chrétien » est historiquement l'ancêtre de l'UDF. Les socialistes de la SFIO, bien que diminués électoralement, étaient alors associés aux gouvernements, et parfois les dirigeaient, comme Félix Gouin en 1946. En cette période de « tripartisme » furent prises la plupart des grandes lois sociales -sécurité sociale, statut du fonctionnaire, services publics, comités d'entreprise- qui fondent le « modèle social » français. Mais l'éviction des communistes, au plus fort de violents mouvements sociaux en France et au début de la guerre froide, en 1947, sonna le glas de cette « unité nationale ». Le MRP oscillait dès lors entre centre et droite.
Pendant toute la IV° République, jusqu'au retour de de Gaulle au pouvoir en 1958, des gouvernements de coalition, éphémères comme ceux de la III° République (1873-1940), se succédaient, présidés par des centristes du MRP, comme Robert Schuman ou Georges Bidault, des radicaux marqués à gauche comme Pierre Mendès France, ou modérés comme Edgar Faure. Il y eut aussi des hommes de droite comme Antoine Pinay ou Joseph Laniel. Un « Front républicain » porta en 1956 le socialiste Guy Mollet au pouvoir.
La « troisième voie », dans laquelle le MRP aurait joué un rôle moteur, n'aboutit jamais. Sous la V° République, depuis 1959, la bipolarisation, le clivage droite-gauche générés par la Constitution et le mode de scrutin uninominal à deux tours, ont pratiquement empêché toute troisième voie, ou unité nationale.
Les MRP démissionnèrent du gouvernement en 1962 sur la question européenne. Un centriste issu de leurs rangs, Jean Lecanuet, fit un score honorable à la première présidentielle au suffrage universel (15%) en 1965, un autre, Alain Poher, parvint au second tour en 1969.
Quant à l'ancien président de la République Valéry Giscard d'Estaing, fondateur de l'UDF qu'il a présidée de 1988 à 1996, il définissait dès 1966 une nouvelle majorité de centre droit en ces termes : « Les modérés et le Centre ne forment en réalité qu'une seule famille et s'étendent de la frontière de l'extrême-droite à une limite qui passe aux deux tiers du radicalisme et aux trois quarts du MRP ».
Avec des étiquettes différentes, les héritiers politiques du MRP furent associés à l'ensemble des gouvernements de droite, hormis depuis 2002, sous le second septennat de Jacques Chirac. Ils combattirent toujours la gauche, et échouèrent à imposer l'un des leurs, Raymond Barre, en 1988.
Le positionnement de François Bayrou, qui entend incarner une voie de rassemblement au-delà de la droite et la gauche, apparaît donc inédite
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