Surprise autoproclamée de la campagne électorale, François Bayrou devra revoir sa partition s'il veut apparaître comme un prétendant sérieux à l'Elysée tout en préservant son indépendance, estiment plusieurs analystes. « Il faut qu'il change de registre lors de sa campagne », dit Stéphane Rozès, directeur d'études de l'institut CSA. « Il faut qu'il passe d'une alternative par défaut à une alternative constructive, de celui qui critique le clivage factice entre la gauche et la droite à celui qui propose une autre façon de gouverner ».
Même constat de la part de Nicolas Sauger, du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). « La question c'est : peut-il faire jeu égal avec les deux grands candidats, ce qui n'est pas encore le cas », estime le chercheur. « Il n'a pas du tout la même image d'homme d'Etat, la même stature que Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal, mais tout cela peut changer avec la campagne électorale ».
A neuf semaines du premier tour, les dernières enquêtes d'opinion accordent au candidat de l'UDF entre 13% et 14% d'intentions de vote, soit le double de son score de 2002, où il avait frôlé les 7%.
Un schéma qui rappelle celui d'il y a cinq ans, quand le candidat du Mouvement des citoyens Jean-Pierre Chevènement avait lui aussi pris le titre de troisième homme dans les sondages avant de s'effondrer à quelques semaines du premier tour.
Pour Nicolas Sauger, le cas de François Bayrou est différent dans la mesure où le président de l'UDF « est doté d'un électorat traditionnel ». « Si on le compare avec Chevènement, il part d'un niveau beaucoup plus haut », estime-t-il.
Stéphane Rozès rappelle quant à lui qu'il faudra compter avec le président du Front national, Jean-Marie Le Pen, qui fait passer à ses yeux François Bayrou au rang de quatrième homme, « ... mais ce n'est pas une course de petits chevaux », dit-il.
Passer de la critique à un discours constructif
Partisan d'une VIe République et d'un gouvernement d'union nationale, François Bayrou semble séduire par ses critiques du clivage droite-gauche et de l'élite politico-médiatique.
Mais aux yeux des politologues, le député béarnais pourrait perdre une partie de son aura quand il aura échangé son costume de trublion contre celui de candidat à part entière, doté d'un programme en bonne et due forme.
« Aujourd'hui sa progression prospère sur un discours critique. La difficulté, c'est de passer à un discours de propositions, constructif. Il est plus facile de fédérer quand on est critique que quand on se base sur un programme », analyse François Miquet-Marty, directeur des études politiques de l'institut de sondages LH2.
Autre danger pour Bayrou : que l'intérêt croissant des médias à son égard ne le transforme en candidat « classique ».
« Il est dans une situation difficile pour progresser encore car il est lui-même surmédiatisé, donc cette critique-là est moins forte », juge François Miquet-Marty,
Pour Stéphane Rozès, François Bayrou doit montrer « qu'il n'est pas seulement un résistant », mais dire « en quoi lui, avec d'autres (...) peut, demain, gouverner ».
Selon les instituts de sondages, le candidat centriste puiserait pour un tiers dans l'électorat de droite et pour le reste, dans celui de la gauche. Mais au moment de déposer leur bulletin dans l'urne, une grande partie des indécis aujourd'hui tentés pourraient revenir au bercail.
« Le risque, c'est qu'au dernier moment les Français de centre-droit et de centre-gauche retournent vers les leaders de la droite ou de la gauche », estime Stéphane Rozès.
Un danger confirmé par François Miquet-Marty. « François Bayrou est le candidat le plus friable, qui a la proportion d'électeurs pouvant changer d'avis le plus important. Du coup, ses scores actuels sont réversibles ».
Une incertitude qui a conduit certains députés UDF comme Christian Blanc et André Santini à se rapprocher du candidat de l'UMP Nicolas Sarkozy, dont les chances d'entrer à l'Elysée semblent, pour l'heure, bien supérieures.
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