Nous voilà au début de ce XXI° siècle qui suscita tant de fantasmes, d’angoisses mais aussi d’espoirs dans les générations précédentes. Et pourtant, notre monde n’a guère changé par rapport au « vieux » XX° siècle que nous pensons avoir définitivement laissé derrière nous avec ses formidables avancées technologiques et économiques mais également avec ses terribles et sans précédent accès de barbarie … Il faut dire que dans la plupart des pays du monde, le « XXI° siècle » ne veut rien dire, si ce n’est que l’Occident est passé d’un millénaire à l’autre parce qu’il se base sur un calendrier spécifique (avec comme point de départ la naissance de Jésus) dont, de surcroît, le calcul est erroné… Ceci pour rappeler que ce XXI° siècle est, bien évidemment, le fils naturel du XX° et que les questions qui se posaient « à cette époque » demeurent toujours d’actualité. Il n’y a pas eu de mur de séparation entre un « avant » et un « après » avec un an 2000 où, reprenant la vision idéaliste de certains romanciers de science fiction des deux siècles précédents, nous aurions pénétrés dans un monde de paix, de progrès infini, d’abondance et de bonheur où nous voyageons tous dans des voitures volantes !
Et pourtant, il est vrai, qu’en dehors des symboles, nous sommes sans doute entrés voici quelques décennies dans une nouvelle ère caractérisée par l’explosion des technologies de l’information et une accélération vertigineuse des échanges et des interactions internationaux. Ce qui n’est pas sans conséquence sur notre existence et notre place sur cette planète. Ainsi de nombreux « mondes » cohabitent, des civilisations se côtoient et se mélangent (grâce aux moyens de transport et d’informations ainsi qu’aux images). Paradoxalement ces univers semblent, dans le même temps, s’éloigner de plus en plus quant à leur niveau de développement (certains humains, les plus nombreux, sont dans un dénuement presque total où seule la question de la survie quotidienne a un sens, d’autres se trouvent dans une abondance et dans des questionnements métaphysiques et psychologiques de la « post-modernité » voire de « l’hyper-modernité »…) même si une frange nombreuse issue de pays asiatiques, de pays européens ex-communistes et de pays sud-américains rejoint à pas de géant le niveau de vie des populations des pays occidentaux. L’existence de ce paradoxe demeure malgré l’émergence depuis 60 ans d’une « culture mondiale » dont les référents seraient les baskets, les sodas gazeux et les films d’Hollywood où les particularismes locaux ne se contentent plus de les assimiler mais les détournent désormais pour en faire souvent des moyens de combat contre un « impérialisme vécu » (mais pas toujours démontrable) de l’Occident et, en particulier, des Etats-Unis d’Amérique.
De fait, l’économie se mondialise de plus en plus et les pays d’Europe, pris chacun individuellement, compte de moins en moins dans le « concert des nations », remplacés par d’autres comme la Chine mais aussi l’Inde (en attendant sans doute le Brésil) qui deviennent rapidement de vraies puissances économiques et politiques à part entière, même si de nombreux experts estiment que la « bulle chinoise » pourrait crever incessamment sous peu et que le miracle indien n’est peut-être pas aussi fantastique. Reste que, de toute manière, les accidents de parcours ne remettront pas en cause le développement à long terme de ces pays. Avec des problèmes cruciaux qui dépassent les simples délocalisations (ainsi que la « fin du modèle social européen ») et qui peuvent se résumer par cette expression familière « il n’y en aura pas pour tout le monde ». En effet, un des défis auxquels la planète devra faire face dans peu de temps concerne la répartition des matières premières et donc de la richesse. Si la croissance chinoise et indienne demeure soutenue, les experts estiment que, dans les années à venir, la production pétrolière suffira tout juste à étancher la soif d’or noir des Etats-Unis, de la Chine et de l’Inde (sans parler de l’acier, du charbon, etc.). Quid des autres pays ?! Comment ferons-nous si, entre temps, nous n’avons pas trouvé des gisements importants et des moyens de les exploiter rapidement ? Comment ferons nous si nous n’avons pas inventé de vraies énergies de substitution, si nous n’avons pas développé celles qui existent déjà comme les biocarburants, comme la gaz liquéfié ? Comment ferons-nous si nous ne parvenons pas à fusionner les atomes d’hydrogène comme le laisse espérer le projet Iter (International thermonuclear experimental reactor) ? Comment ferons-nous si nous ne nous décidons pas à revoir certains de nos modes de consommation, si nous ne produisons pas des biens moins « gourmands » d’or noir comme la voiture hybride mi-essence mi- électricité qui existe déjà ? Serons-nous obligés, nous autres Européens, d’aller nous servir de force (ou de tenter de le faire) ? Tout comme les autres pays et continents ? Ce service par la force s’appelle la guerre. Il faut en être conscient pour ne pas se retrouver demain sans autre alternative…
Une guerre qui pourrait éclater pour de multiples autres motifs. Un des plus évidents est l’eau potable. Dans peu de temps, les Etats-Unis - comme de nombreux autres pays - vont manquer d’eau. Au lieu de s’en inquiéter outre mesure, les autorités politiques américaines lorgnent déjà sur les réserves quasi-inépuisables du voisin canadien en l’appelant à une « solidarité » qui ressemble beaucoup à une injonction... Celui-ci a déjà prévenu qu’il ne saurait être pillé de son or bleu sans réagir. Mais que vaut la puissance armée du Canada devant celle des Etats-Unis dans une question aussi essentielle qu’est l’approvisionnement en eau potable. Sans eau, pas de vie… Espérons que nous serons capables de nous entendre et que de nouvelles avancées technologiques nous permettront de désaliniser l’eau de mer et de dépolluer l’eau des lacs et des rivières ainsi que des nappes phréatiques à des coûts acceptables (car toutes ces techniques existent déjà). Sur une planète où la surface est constituée à 70 % d’eau (dont malheureusement près de 98 % est de l’eau de mer), il serait absurde de mourir de soif. Et, pourtant, c’est une réalité quotidienne dans de nombreux pays pauvres…
Une guerre n’est pas inévitable, heureusement. Le génie créateur des êtres humains et un certain instinct de préservation peut l’éviter. Pour cela, il nous faut créer des interdépendances internationales et des relations de plus en plus étroites entre tous les peuples du monde. Pour cela, nous possédons un modèle : l’Union européenne. Car, quels que soient ses manquements, l’Europe unie a su démontrer, ad minima, que l’on pouvait s’entendre entre anciens ennemis afin de bâtir un avenir commun dans la paix et la coopération. Et c’est déjà énorme. Si les Etats-Unis veulent l’eau du Canada, pourquoi ne pas partager ce qu’ils ont et que le Canada n’a pas ? De même, pour le pétrole, entre l’Union européenne et la Russie. On peut décider en commun une répartition en même temps que des programmes ambitieux de substitution avec, concomitamment, des plans de réduction de la consommation au niveau mondial.
De toute façon, il faudra bien s’entendre pour éviter une catastrophe environnementale qui menace la planète tout entière. Et le plus tôt sera le mieux. Même si le pire n’est pas toujours sûr, nous devons prendre des mesures au niveau mondial afin de remettre en état l’écosystème mondial. Un écosystème peut-être pas aussi malade que veulent le faire croire des oiseaux de mauvais augure toujours prêts à jouer au catastrophisme mais, tout de même, bien mal en point. Il ne faudrait surtout pas s’en remettre au destin salvateur et en la croyance de la toute puissance de la race humaine pour relativiser la situation. L’histoire nous enseigne que des civilisations évoluées et brillantes ont disparu faute d’avoir réussi à gérer leurs ressources naturelles déclinantes et à prendre les bonnes décisions au bon moment. Un problème qui ne se règlera qu’avec l’accord et la participation de tous les peuples.
On voit bien que tout devient interdépendant au niveau mondial. Dès lors, il faut vite accélérer la mondialisation en lui donnant ce caractère politique qu’elle n’a pas assez aujourd’hui. D’autant que d’autres menaces planent sur nos têtes comme des épidémies mondiales ou des dérives totalitaires dangereuses pour une paix toujours fragile.
Le principal défi du XXI° siècle sera bien cette mondialisation politique et économique. Et cette mondialisation, il faut l’affirmer haut et fort, est une chance unique pour l’humanité tout entière afin de la sauver et de la projeter dans un monde de paix et de bien-être. Un monde où l’on pourra traiter la pauvreté mais aussi le chômage, la violence, les questions concernant la protection sociale et tous les problèmes qui assaillent chacun des pays de la planète. Vaste programme si l’on veut bien se rappeler que les humains ont consacré plus de jours à la guerre qu’à la paix dans leur histoire et que la majeure partie de ces humains vit encore dans des conditions extrêmement précaires avec une pauvreté qui, loin de s’éradiquer, croît même dans les pays développés où le pourcentage de ceux qui glissent dans l’extrême précarité augmente chaque année.
Une mondialisation, d’autre part, qui ne doit et ne peut pas faire peur aux Français qui en bénéficient tous les jours même si les médias et les contempteurs d’une ouverture sur le monde tentent d’en démontrer les effets dévastateurs. La France est un des pays occidentaux les plus ouverts et les plus préparés à la compétition mondiale. Bien sûr, notre pays ne peut en rester à ce constat et un formidable défi l’attend dans les années à venir. Pour paraphraser Winston Churchill, du sang, de la sueur et des larmes seront au rendez-vous. Mais depuis quand les êtres humains n’ont plus à se battre pour assurer leur avenir et celui de leurs enfants ? Depuis quand les situations acquises le demeurent pour l’éternité sans éveiller l’envie chez ceux qui sont en bas de l’échelle ? Depuis quand, notre planète est devenu le Paradis ? Il faut de la lucidité et du courage chez les politiques pour expliquer que tout se gagne, que tout s’est toujours gagné et que rien ne se garde sans effort.
L’obligation d’innovation
Le quotidien Herald Tribune posait, début 2005, cette question simple : « Qu’est-ce qui sera encore « Made in Europe » quand les enfants d’aujourd’hui auront grandi ? ». Question simple mais essentielle qui va conditionner notre avenir face, par exemple, au différentiel de coût de fabrication entre l’Europe et la Chine et l’Inde mais aussi parce que ces deux pays sont en train de former des élites qui n’auront rien à envier aux nôtres en matière de puissance créatrice si nous n’évoluons pas à leur rythme. La réponse, tout aussi simple et essentielle, est que cela dépendra de notre capacité à demeurer dans le peloton de tête en matière technologique, c’est-à-dire de notre capacité à créer et à innover. Car, quelle que soit la politique choisie en France et en Europe, celle-ci devra s’appuyer obligatoirement sur la nécessaire et incontournable innovation.
L’innovation représente à la fois un risque et l’indispensable ingrédient, non seulement, de la croissance économique mais aussi du progrès social ainsi que du développement d’une démocratie. En passant d’une économie de pénurie à une économie de croissance, en bâtissant une protection sociale de plus en plus sophistiquée, en réalisant une démocratie de plus en plus approfondie (toute société totalitaire voit d’un mauvais œil l’innovation, la création et la réforme), les pays développés se sont mis dans l’obligation d’innovation. Et la « globalisation » impose, dans un monde ouvert, interdépendant mais également en concurrence, cette incontournable innovation afin d’être en mesure de faire la course en tête, c’est-à-dire de pérenniser les acquis économiques, sociaux et politiques ainsi que de les dynamiser. Si ce n’est pas le cas, il faudra faire de douloureux ajustements…
Cette innovation demande, en matière économique, par exemple, la mise en place de centre de recherches, des incitations fiscales et des moyens pour la Recherche & Développement afin de développer de nouvelles technologies et les appliquer, une stratégie de rapprochement entre l’industrie et l’université, la création de pôles d’innovation ou « clusters » où se retrouvent les chercheurs, les universitaires et les start-up développant les technologies d’avenir. D’autant que, selon Christian Blanc (auteur d’un rapport intitulé « Pour un écosystème de la croissance ») l’alternative est simple : « Pour retrouver un avantage comparatif, notre économie a le choix : s’aligner sur le modèle asiatique ou faire le course en tête dans l’innovation ». Et il ajoute : « Plus que les handicaps fréquemment invoqués sur le poids de la fiscalité ou les coûts de production, la perception d’une France trop peu compétitive repose avant tout sur son faible positionnement dans le domaine de l’innovation ».
Une innovation que beaucoup de politiques semblent découvrir alors que l’économiste Joseph Schumpeter (1883-1950) avait déjà expliqué, il y a longtemps, la nécessaire revitalisation d’une économie de croissance par le processus de « destruction créatrice » qui veut que des activités anciennes disparaissent constamment pour laisser la place à de nouvelles. Et, il y a plus de trente ans, Jean-Jacques Servan-Schreiber écrivait déjà : « L’essor d’une économie moderne résulte essentiellement de son aptitude à créer l’innovation – à inventer sans cesse, par la recherche, des procédés moins coûteux, des produits plus adaptés, des réponses plus raffinées à des besoins diversifiés – puis à l’intégrer au processus de production ».
Cependant, décréter l’innovation n’a de sens que si l’on met en place les outils nécessaires à sa réalisation. Et ceux-ci doivent concerner tous les secteurs de la vie économique, sociale et politique.
Pour une politique de Juste Equilibre
Quelle politique pourra faire face au plus grand défi jamais posé à l’humanité en tant que communauté depuis qu’elle a réussi à maîtriser partiellement son environnement ? Une politique basée sur le respect, la tolérance, la solidarité et la liberté, des valeurs essentielles pour l’être humain qui, depuis une cinquantaine d’années, est en perte de repères facilement identifiables. Une politique centriste, une politique du Juste équilibre. Une politique que doit adopter la France pour se sortir de ses problèmes structurels et ne plus grever son avenir. Une politique que doit adopter l’Europe pour offrir un futur réellement attrayant aux peuples qui la composent. Une politique que doit adopter la communauté mondiale pour assurer son existence dans la paix et dans l’espérance d’un développement du bien-être partagé. Une politique qui nécessite une certaine révolution culturelle dans les pratiques politiques mais qui est la seule à pouvoir nous permettre d’envisager l’avenir avec confiance.
Penser le Centrisme et le Centre, c’est aller au-delà du positionnement central et d’un milieu entouré d’extrêmes qui renvoie à des « modérés » assez flous dans leurs idées politiques et au portrait assez fuyant. Car, le Centre n’est pas milieu mais équilibre. Un Juste équilibre, c’est ce qui définit sa politique, c’est-à-dire cette recherche constante de cette ligne où tel un fil-de-fériste, le Centrisme tangue avant d’avancer en ayant trouvé la bonne balance.
Cette vision dynamique et au-delà d’un simple partage des extrêmes - puisque définissant positivement un courant de pensée - ne fait pourtant pas fi de l’histoire politique, ni des hommes qui se sont positionnés au Centre. Ainsi, cette volonté constante de ne pas tomber dans la démagogie d’une idéologie promettant tout et n’importe quoi, cette vision d’une société apaisée où tout le monde trouverait sa place, cette revendication de la liberté comme fondement essentiel de la personne humaine mais aussi le rappel de la solidarité nécessaire dans une société qui unit les êtres humains sont des héritages que le Centre du Juste équilibre revendique, les succès comme les échecs qui ont jalonné depuis plus de deux cent vingt ans le parcours du centre politique.
Alexandre Vatimbella
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